du travail hybride au Hub de collaboration

Travail hybride, monde du travail de demain aujourd’hui

Du travail hybride au Hub collaboratif. Le 23 juin 2019, le Comité international olympique (CIO) a inauguré « la Maison olympique », son nouveau siège social à Lausanne. Dans la foulée, ce bâtiment qui a demandé 6 ans de construction et coûté 127 millions d’euros recevait le prix du leadership en matière de construction écologique. Le CIO se congratulant lui-même d’être  » le siège social plus durable du monde!  »

Mais voilà, quelques mois plus tard, le bâtiment était vide ! Les salariés du CIO, comme tous les travailleurs dits « non-essentiels » du monde, devaient travailler de chez eux et découvraient les prémisse de ce qui allait devenir le travail hybride.

En mars 2020, le sujet du travail à distance, qui était jusqu’alors cantonné aux conférences sur « l’avenir du travail », était brutalement devenu un sujet d’actualité. Résultat : une multitude d’études sur la productivité, la perte de lien, l’équilibre psychologique, le stress, la progression de carrière et sur les envies des collaborateurs concernant leur expérience de travail. Collaborateurs qui, au passage, souhaiteraient à 40 % continuer à travailler de temps à autre dans les mêmes conditions.

siege social CIO lausanne
Le siège social du CIO à Lausanne

Même les employeurs, à part quelques récalcitrant aux valeurs d’un autre monde, se sont adaptés. Surtout quand ils ont réalisé que la productivité était au rendez-vous, certains collaborateurs allant jusqu’à s’asseoir sur leur équilibre de vie pour la maintenir. La raison est double : certains ont vu leur manager commencer à les micro-manager en imposant d’être sur zoom durant leur temps de travail alors que d’autres ont faire face à encore pire : eux même et leur conscience professionnelle.

Évidemment, à part quelques cas rares d’entreprises de l’internet qui ont abandonné leurs bureaux pour se réorganiser en mode télétravail, la majorité des entreprises ne vont pas complètement abandonner leurs bureau. La raison est que d’aller au bureau n’a jamais été uniquement une question de travail, mais de rencontres sociales, de collaboration, d’engagement et de soutien mutuel. Nous savons maintenant que la technologie ne remplacera pas de sitôt les relations interpersonnelles directes. Et je ne parle pas des 5 à 7 entre Julien du marketing et Monique de la compta.

Du bureau au « Hub », ou du lieu à l’espace

Avant la pandémie, la plupart des entreprises voyaient leur espace de travail comme un endroit où les salariés devaient venir réaliser leur travail. Un travail précis, donné, accompagné, surveillé, contrôlé et évalué par un manager de proximité.

Depuis la pandémie, le bureau est en train de se transformer en ce que j’annonce depuis plusieurs années (pour l’avoir mis en oeuvre avec 300 salariés, pas pour l’avoir lu quelque part). À savoir, un lieu secondaire destiné à finaliser des projets, lancer de nouvelles idées ou plus simplement se voir et parler d’autre chose que de boulot. Les tâches quotidiennes et les réunions de routine ayant déjà eu lieu de chez soi.

C’est la raison pour laquelle on parle de travail hybride exactement comme l’on parle d’enseignement hybride qui distingue la partie en ligne durant laquelle les stagiaires apprennent les bases avant passer à la pratique en salle avec un formateur qui répond à leurs questions.

C’est-à-dire qu’il y a deux transformations en parallèle

  1. Le passage au travail hybride qui demander aux collaborateur un sens plus important d’organisation et d’autonomie que ce qui leur a été demandé jusqu’ici.
  2. Le changement de destination de l’espace de travail de lieu de production (voir surveillance) à celui de point de connexion collaboratif et créatif. C’est la transformation du lieu de travail en espace de collaboration et en « Hub » facilitant les connexions destiné à renforcer l’apprentissage et encourager la collaboration.

Explorons ensemble les fonctions sociales du lieu de travail actuel et inspirons nous des entreprises qui ont développé de nouveaux modèles de travail.

Le lieu de travail comme ancrage social

Si le télétravail était plébiscité par de nombreux salariés qui le pouvaient matériellement, après plusieurs mois réunions virtuelles, certains ont commencé à se sentir seul et à regretter de ne pas pouvoir voir leurs collègues en personne. Dingue, les salariés commençaient à vivre la solitude du freelance.

Pas la peine de citer la dernière étude en psychologie cognitive d’un neuro-scientifique à la mode pour comprendre que nous avons besoin de plus qu’une image animée lors de nos échanges avec autrui. Certains ont découvert que le langage corporel limité pendant une vidéoconférence pouvait déclencher des erreurs d’interprétation exactement comme il y a quelques années, nous pouvions reprocher à un collègue d’être trop sec dans sa correspondance mail ! Le fait d’être physiquement au même endroit facilite la compréhension des humeurs comme le fait d’entendre parler une collègue avec un client nous donne des indications sans que celle-ci n’est besoin de nous briefer ensuite. 15 ans après la naissance de facebook, le réel reste le meilleur moyen de créer et consolider des relations.

Une brève rencontre au bureau d’un collègue peut déboucher sur ce que le psychiatre Edward Hallowell appelle « un moment humain » : une rencontre en face-à-face qui permet de faire preuve d’empathie, d’établir un lien émotionnel et d’utiliser des indices non verbaux pour compléter ce qui est dit. Lorsque la communication a lieu à distance, la connexion est fortement affaiblie et les signaux non-verbaux sont plus difficiles à capter, même lorsque les personnes peuvent se voir sur un écran.

Microsoft a récemment interrogé ses employés sur la façon dont ils géraient l’environnement de travail à distance lié au Covid. L’un des effets les plus souvent cités est l’augmentation du nombre de réunions (plus courtes) nécessaires pour résoudre un problème, car les participants ne peuvent plus passer dans le bureau de quelqu’un d’autre pour poser une question. Les réunions sont importantes, bien sûr, mais pas plus que les moments humains, car ce sont les relations, et pas seulement les actes de collaboration, qui créent la confiance entre les collègues de travail.

Le bureau comme lieu d’apprentissage et partage d’expérience

Quand une entreprise adopte le travail à distance, elle doit tenir compte de l’impact sur la façon dont les connaissances sont partagées. Il ne faut pas oublier qu’une grande partie de ces connaissances peut être formelle ou informelle, informatisées ou notées sur un post-it, envoyées par mail ou par messagerie. Sans parler du fait que la majorité de ces connaissances le sont par la parole, en se voyant à son bureau ou en déjeunant.
Pour preuve, qu’un programme d’intégration échoue pour ne pas prendre en compte que les nouveaux apprennent d’avantage en observant leurs collègues et en interagissant avec leurs managers qu’en suivant une orientation avec des vidéos et des documents à lire.
En septembre 2020, Jamie Dimon, le PDG de JP Morgan Chase, a précisé qu’il avait suffi de six mois de travail à domicile pour que les jeunes salariés perdent les avantages de la présence au bureau. Ils ne bénéficiaient plus de l’apprentissage spontané et de la créativité qui découlent du contact humain. Bien que JPMorgan Chase, s’appuie sur la formation virtuelle pour enseigner les compétences de base, ces formations ne permettent pas de comprendre comment, par exemple, un gestionnaire de portefeuille peut choisir entre deux actions techniquement similaires.
À ce sujet, Tom Allen, un psychologue du MIT, a démontré qu’il suffit que les gens soient séparés de 50 mètres seulement pour que la communication régulière (qu’elle se déroule en face-à-face ou par tout autre moyen) diminue.

Le bureau comme hub de collaboration

Rien de nouveaux, lorsque des personnes issues de fonctions et de services différents collaborent, elles peuvent résoudre des problèmes complexes et générer de nouvelles idées innovantes. Oui, on appelle ça de l’intelligence collective. Cette idée est aussi à la base des coalitions telles qu’elles sont appelées par le management du changement.
Cette collaboration est généralement déclenchée par des rencontres fortuites comme des conversations autour d’une machine à café ou d’un aller-retour aux toilettes (Pixar entretient le mythe que certains de ses films sont nés de ces rencontres fortuites). Les recherches le confirment : Le groupe Human Dynamics du MIT Media Lab a recueilli des données à partir des badges électroniques des employés et a constaté que les interactions fréquentes en face à face, en dehors des réunions formelles, étaient le meilleur indicateur de productivité.
Ce type de collaboration non structurée nécessite un contact personnel qui n’est pas possible lorsque chacun travaille à domicile. Même si certains logiciels sont incroyables pour faciliter la collaboration à distance. Je pense notamment à Miro dont je suis fan.
collaboration hybride à distance
L’application miro.com

C’est précisément parce qu’ils ont reconnu l’importance de fournir des points de contact réguliers que IBM et (feu) Yahoo, ont décidé il y a quelques années de revenir partiellement sur leurs politiques de télétravail en avance sur leur temps. Et lorsque Microsoft a modifié sa politique en 2020 pour permettre à un plus grand nombre d’employés de travailler à domicile, elle a également mis à leur disposition des espaces de contact au bureau.

Imaginer le bureau de demain

Alors ok, les nouveaux outils collaboratifs à distance et de visioconférence facilitent ce que j’appelle le télétravail de niveau 4. Mais ne nous y trompons pas, il ne s’agit plus du « Web2.0 » qui a automatisé les tâches routinières des descriptions de fonction en reportant une partie du travail des salariés sur le client. Exemple facile : l’application bancaire qui permet de suivre ses comptes et de réaliser ses virements soi-même.

Nous ne sommes plus dans le WEB 2.0 de l’automatisation et de la simplification ! J’enfonce une porte déjà ouverte, mais nous sommes désormais dans une transformation du monde qui ne demande plus aux salariés de s’adapter, mais d’être curieux du monde qui les entoure et créatifs. Ce qui explique que si nous avons toujours besoin d’un lieu de travail, il doit évoluer de celui auquel nous sommes habitués.

Ces bureaux qui rassembleront trois caractéristiques :

Un espace conçu pour des moments humains…et la productivité

Les open-space et aménagements de travail miteux avec fauteuils qui donnent des maux de dos et salles de réunions exiguës sont encore légion. Heureusement, certaines entreprises ont dépassé ce modèle archaïque en repensant leurs bureaux comme un « espace », pas comme un « lieu ». Un espace modulaire, prenant en compte les moments de concentration et les moments d’échange, assurant l’équilibre entre l’ouverture et l’intimité et en incorporant des éléments de conception qui permettent des interactions sociales de toutes sortes. Que ce soit une discussion rapide au coin d’un escalier ou d’un bavardage à de la machine à café ou au foyer ou cafétéria.

Si le retour au bureau redevient individuel avec des réunions axées sur les tâches et que vous ne valorisez pas les soft-skills qui ont été utilisées pendant le confinement comme l’autonomie, la responsabilisation (et parfois l’improvisation), les leçons positives de la pandémie auront été perdues, et votre culture d’entreprise faire un retour en arrière.

Même si la Maison olympique du CIO, n’a pas été pensée avec la pandémie et tête, évidemment, elle a cependant été construite dans le but d’humaniser le travail et présente de nombreuses caractéristiques adaptées à la post-pandémie.

Sa construction provient de la réalisation que du fait de son histoire et de son développement l’organisation a du occuper quatre sites éparpillés dans Lausanne. Cette fragmentation nuisait aux relations des 400 employés. Alors certes, la nature de leur travail les obligeait à voyager et à travailler souvent à distance. Pourtant, les dirigeants du CIO étaient convaincus qu’un seul et même lieu d’attache était essentiel pour créer un sentiment de communauté qui favoriserait le bien-être des salariés et offrirait des moments humains permettant d’instaurer la confiance et de stimuler la créativité.

escalier central CIO
Escalier central du CIO

En l’espace de quelques mois, la Maison olympique est devenue un endroit où il fait bon venir tous les jours et où l’on se nourrit de l’énergie des autres. Sa conception favorise les rencontres formelles et informelles et modifie profondément la façon dont les équipes interagissent. Par exemple, son grand escalier central, en forme des cinq anneaux du symbole olympique, oblige les personnes de différents départements à se rencontrer sur le chemin de leur bureau et les encourage à s’arrêter et à discuter. Ces sont remplis de canapés et de coins café où vous pouvez discuter avec vos collègues plutôt que de leur envoyer un e-mail.

Les architectes ont également accordé une attention particulière à l’acoustique. Dans les zones où se trouvent les bureaux, les sons sont atténués par des tapis et des matériaux absorbant les sons au plafond et dans le mobilier. Près de l’escalier central et dans d’autres zones destinées à la convivialité, les designer ont délibérément utilisé des matériaux moins absorbants pour créer un « buzz de café » et attirer les gens à discuter et à se rencontrer.

Autre chose, si pour 82 % des salariés interrogés pour cette étude Adecco assurent que leur productivité n’a pas été affecté, il y a pourtant un élément qui est oublié : les conséquences de passer d’un endroit à l’autre et terme d’organisation personnelle. Il faut un certain temps d’adaptation pour se remettre au travail, retrouver ses dossiers ou simplement sa concentration. Ce qui demande une préparation d’autant plus précise la veille d’un changement d’espace de travail pour connaître les priorités de la journée.

Une expérience personnalisée grâce à la technologie.

Les outils digitaux nous permettent de ramener à la maison le travail que nous pouvons faire plus efficacement de nous-mêmes à la maison sans l’attaché case de nos grands parents. Elle peut également faciliter notre fonctionnement social et conduire à une conception et une utilisation plus efficace des espaces sociaux.

Danielle Zellman, la manager de l’expérience collaborateur de Cedar, une société de paiement américaine utilise une plateforme basée sur l’IA appelée Dojo, qui suit les mouvements de ses collaborateurs pour surveiller la distanciation sociale et générer des agencements de bureaux pour maximiser la probabilité d’interactions informelles fortuites. Bien sur, cette application est « geofencée » à l’entreprise et il n’est pas obligatoire de l’utiliser. Bon exemple ou preuve que cela peut aller trop loin. Dites-moi en commentaire ce que vous en pensez.

Dojo permet aux utilisateurs de créer des profils de collaboration pour les personnes, les équipes et l’organisation dans son ensemble. Cela permet par exemple de regrouper les salariés par style de travail, en utilisant des mesures telles que le pourcentage de temps passé en réunion, la quantité moyenne de temps libre entre les réunions et la répartition des réunions au cours de la journée. Le résultat est un organigramme non-hiérarchique qui peut aider les responsables à trouver des moyens d’utiliser les espaces physiques et la technologie de l’entreprise pour créer davantage d’opportunités de connexion pour les employés.

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Dojo Workplace Transformation

Un management qui encourage les connexions.

>De leur côté, les managers doivent s’assurer que lorsque les gens viennent au bureau, ils sentent qu’ils ont la permission de socialiser et de se connecter avec leurs collègues. Les dirigeants peuvent donner l’exemple en passant eux-mêmes du temps dans les espaces communs et en participant à des événements sociaux IRL et online.

Cela nous ramène aussi à l’importance de l’intégration en tant que rituel et d’envisager d’établir une nouvelle de « réintégration ». Ces rituels sont autant d’occasions pour les salariés de tout âge et expérience de se rencontrer, de se parler de l’avancée des projets et de demander conseil de manière informelle.

Lorsque le monde est rentré travaillé chez lui, salariés, managers et dirigeants ont découvert que le télétravail était une question d’équilibre. Si vous avez suivi le mouvement, il y a une chance que la collaboration au sein de votre entreprise se soit améliorée. Sans les contraintes du travail-en-face à face, de nouveaux talents se sont révélés, de nouvelles idées ont germées.

Pour éviter cela, Adam D’Angelo, le jeune PDG de Quora, a annoncé sur le blog de Quora que l’entreprise passait « Remote first » et que l’entreprise n’adopterait pas une approche sélective à distance – dans laquelle les dirigeants ou certains groupes se rendent au bureau tandis que les salariés ordinaires travaillent à domicile. Tout le monde, du PDG jusqu’au bas de l’échelle, travaillerait à domicile, mais chacun serait tenu de passer aussi du temps au bureau. L’intention étant « d’empêcher le bureau de devenir le « vrai » siège social ». Il a envoyé un signal clair aux employés de Quora : aller au bureau n’était pas un moyen d’impressionner son patron ; aux yeux de la direction, le travail à domicile était et resterait tout aussi légitime.

Aux dirigeants de jouer

Lorsqu’ils sont au bureau, les dirigeants doivent donner l’exemple du type de comportements sociaux que les gens devraient adopter. Ils ne doivent pas passer tout leur temps en réunion ou dans leur bureau. Je sais que certains vont faire le raccourci facile en dénonçant un nouveau management paternaliste, mais quand ont parle connexion, relation et personnalisation, managers et dirigeants doivent commencer autant que possible  leur journée par rencontrer ceux qui reviennent de télétravail.

Et là, je vais peut-être partir un peu loin, mais pourquoi ne pas organiser des événements le matin comme un Daybreaker ou un Morning Gloryville ? Des événements « before work » célébrant le retour au bureau et de se retrouver ensemble avec jus de fruits, yoga…et danse ?