Les paradoxes du travail hybride commencent à être pris en compte car ils sont des exemples souvent utilisé dans le cadre de l’ambiguïté de VUCA.
Pendant la pandémie, il n’y avait pas à se poser de questions. Les choses étaient claires et limpides : Si vous n’étiez pas un “travailleur essentiel”, vous étiez à la maison. Ors, depuis plusieurs mois, nous assistons au “grand remaniement” du monde du travail.
Ce qui se traduit par une culture du travail à deux vitesses qui ne séparent plus seulement les ouvriers des cadres : Certains salariés ont été conviés (voir obligés) à revenir au bureau cinq jours par semaine sans négociation possible. D’autres, ont intégrer le travail hybride comme nouvelle forme normale de leur travail, ou ont choisi de ne pas retourner au travail du tout.
Ce passage du travail à distance à 100% chez soi au travail hybride fait ressortir plusieurs paradoxes inattendus, surtout dans les entreprises qui dissocient encore présence physique et présence virtuelle dans leurs pratiques de travail hybride.
Les paradoxes du travail hybride, Travailler de chez soi ET avec ses collègues
Parmi les nombreux paradoxes du travail hybride, le premier a été relevé par Microsoft en 2021: 73 % de leurs 30 000 salariés (travaillant dans 31 pays) déclarent vouloir continuer à profiter de la flexibilité gagnée pendant la pandémie alors que 67 % d’entre-eux souhaitaient passer plus de temps en personne avec leurs collègues. Oui, finalement, les collègues leur manquaient et oui c’est espérer avoir le beurre et l’argent du beurre !
Mais ce n’est pas tout, cette volonté de flexibilité s’accompagne d’une réflexion plus large sur le sens des activités pratiquées dans son emploi, d’une remise en question du temps de présence comme indicateur de performance (il était temps) et plus généralement d’un questionnement sur les méthodes de travail imposées avec une question très répandue “Pourquoi mon entreprise ne me fait pas confiance sur ma capacité à m’organiser et à délivrer en m’inposant des jours de présence ?”.
L’enquête de Microsoft a ainsi révélé que 41 % des salariés, quel que soit leur pays d’origine, ont déclaré que dans les 12 mois à venir, ils ne s’attendaient pas à rester chez le même employeur pour des questions de sens ET de confiance.
Conseil : appelez-nous rapidement pour faire le point sur vos valeurs et leur utilisation concrète dans vos activités, management et pratiques de recrutement, votre vision et votre raison d’être ! Ensuite, prenez l’habitude d’annoncer dans vos offres d’emplois si le poste est hybride, à distance ou sur site. Ensuite, formez vos managers au travail hybride, pas sous l’angle organisation du travail mais sous l’angle prise d’autonomie, support, écoute, initiative et confiance.
Avoir un lieu de travail ET un espace de travail
Ce paradoxe “flexibilité du travail à distance / travail en présentiel”, entraine un second paradoxe : le lieu de travail devient un endroit matériel et immatériel et plus un “lieu” physique où il faut se rendre chaque matin. Il faut urgemment dépasser la vision binaire du travail comme étant soit “en personne” ou “à distance”. Je vous rappelle que nous ne sommes plus dans le monde du “OU” mais le monde du “ET” !
Pour dépasser cette vision binaire et développer un nouveau modèle de travail pour l’ère hybride, nous devons réimaginer ce que signifie réellement le terme “lieu de travail” – un lieu où les nouvelles catégories de technologies permettent aux gens de dépasser eux-mêmes la vision binaire, en intégrant le travail dans leur vie de manière nouvelle et dynamique. Le travail devient lié à des “moments” de la journée et pas un lieu et l’entreprise n’est plus un endroit incontournable mais un “hub” dans lequel on se rend avec plaisir pour rencontrer ses collègues et collaborer physiquement avec eux sur des projets.
Autre façon de sortir de cet état d’esprit binaire à l’égard du lieu de travail qui confond l’objectif et le lieu : un lieu, est simplement l’endroit où nous nous trouvons alors qu’un espace est l’endroit où nous agissons. C’est comme la différence entre une maison et un foyer. Une maison protège du vent et de la pluie, mais un foyer est l’endroit où vous vivez avec les vôtres. Un lieu est toujours ce qu’il est, mais un espace est la façon dont il est utilisé.
Plutôt que d’être ancré dans un lieu physique, il faut cesser de reproduire virtuellement les processus de travail en personne, ainsi que les pratiques de cohésion d’équipe et la collaboration créative et passer au niveau 3 de la pyramide de l’autonomie tel que je l’ai décrit dans cet article.
Conseil : déterminez les rôles de chacun en fonction du lieu de travail (le bureau) et l’espace de travail (la mission). Ensuite maintenez l’égalité entre collaborateurs pour éviter que les personnes éloignées soient exclues des les décisions qui sont prises hors visio. Ce qui demande un système robuste de messagerie, un réseau social interne et vous assurez que si une réunion implique des personnes présentes physiquement et des personnes à distance, tout le monde doit être en vision ou personne. Si vous ne le faites pas déjà, demandez à tous les salariés d’allumer leur caméra pour les réunions.
Performance ET invisibilité
Sans doute mon préféré parmi les paradoxes du travail hybride, ceux qui font leur travail en temps et en heure, au niveau de performance attendu et qui, en plus, sont suffisamment autonomes et compétents pour ne pas demander d’attention particulière de la part de leur manager peuvent devenir “invisibles” et ralentir leur évolution de carrière. C’est le comble : leur performance devient un poids dans leur évolution de carrière.
Si vous travaillez consciencieusement de chez vous, échangeant votre temps de transport contre des heures de travail plus longues et les pauses-café au bureau contre une productivité accrue. Vous pouvez malgré tout mettre en péril votre carrière ! Car si pendant la pandémie, vous étiez obligé de travailler à la maison, aujourd’hui, si vous choisissez de travailler à la maison, en fait, vous choisissez de ne pas être au bureau ! Et ça, c’est pas bon.
60 % des 581 professionnels interrogés par le cabinet de recrutement Korn Ferry ont déclaré que leur avancement professionnel serait compromis s’ils admettaient à leur patron qu’ils préféraient continuer à travailler à distance. La raison est que les managers qualifient encore trop souvent les employés qu’ils voient, plus performants que ceux qu’ils ne voient pas, et il n’est pas rare qu’ils accordent des augmentations et des promotions plus importantes. Même si les données montrent que les travailleurs à distance sont plus performants et plus engagés que ceux qui sont au bureau plus de 3 jours par semaine selon l’Institut ADP.
Conseil : même si vous voyez régulièrement votre manager quand vous êtes au bureau, optimisez vos rencontres avec lui ou elle et si vous être en remote plus de 2 jours d’affilé. Ne laissez surtout pas votre performance “Extra mile”, c’est-à-dire, le truc en plus que vous avez fait alors que ce n’est pas dans votre fiche de fonction, inconnu de votre manager. Ne vous vantez pas, mais n’hésitez pas à mentionner les obstacles que vous avez surmontés pour persévérer dans un projet. Vous devez être reconnue comme une personne qui résout les problèmes et ne fait pas perdre de temps à son manager tout en étant performant.
Inclusion ET injustice
Paradoxe suivant, si vous estimez que le travail hybride est une bonne chose pour vous permettre de concilier votre vie de famille et votre vie professionnelle. Ce n’est pas si simple.
Une enquête de McKinsey & Co., menée auprès de 5 043 employés, a révélé que les employés sans enfants étaient presque trois fois plus susceptibles de préférer le travail au bureau. Une enquête réalisée en janvier par Gartner, citée plus bas, a également révélé des différences selon le sexe : 26 % des femmes s’occupant d’enfants préfèrent travailler à distance, contre 18 % des hommes. Les patrons qui privilégient les employés de bureau pourraient alors freiner l’évolution de la carrière des parents, et en particulier des mères.
Conseil : si vous n’intervenez pas, il est probable que les écarts salariaux entre hommes et femmes s’aggraveront au lieu de s’améliorer. Une promotion ou une augmentation manquée aujourd’hui peut faire boule de neige en quelques années. Les entreprises devraient commencer à analyser la rémunération des travailleurs à domicile et des employés de bureau de la même manière que beaucoup d’entre elles examinent actuellement les salaires par sexe, afin de s’assurer que les disparités n’apparaissent pas ou ne se creusent pas.
Engagé ET à distance
Dernier paradoxe du travail hybride. Les employeurs qui privilégient les travailleurs physiquement présents pourraient entraver l’évolution de la carrière des professionnels, qui préfèrent les options de travail flexible, notamment les mères qui travaillent.
Une récente étude de Gartner, révéle a révélé que 43 % des travailleurs à distance et 49 % des travailleurs hybrides étaient très engagés, contre 35 % des travailleurs sur site. Pourtant, certains managers continuent de penser que les travailleurs à distance sont moins performants, ce qui signifie qu’ils ne participent pas aux discussions sur les augmentations de salaire et les promotions.
Conseils aux travailleurs à distance :
- Restez dans le flux. Rattrapez vos collègues et tenez votre patron au courant de votre agenda et de vos réalisations.
- Si vous passez un entretien pour un nouvel emploi et que vous souhaitez travailler à distance, demandez quels sont les hauts responsables qui travaillent à domicile. Cela vous donnera une idée de la valeur que l’entreprise accorde au travail flexible et des possibilités de carrière sans avoir à venir au bureau.
Conseils aux managers :
- Testez vous-même le travail hybride. Vous ferez preuve d’empathie envers les travailleurs à distance en comprendrez mieux les paradoxes du travail hybride.
- Analysez les salaires et les promotions dans votre service pour vous assurer qu’il n’y a pas d’écart entre les travailleurs à distance et les travailleurs au bureau.
- Laissez la technologie vous aider. Certaines entreprises expérimentent la possibilité de recouvrir les murs des salles de réunion d’écrans de 36 pouces, afin que tous les participants à la réunion apparaissent en taille réelle.
Un véritable espace de travail hybride n’est pas défini par l’endroit où les gens se réunissent, mais par la façon dont ils se sentent inclus dans l’effort collectif et la mission partagée. L’inclusion transforme les collaborateurs en parties prenantes, et les parties prenantes transforment les écrans vides et les bureaux vides en lieux riches de sens, ce qui ne mettre pas fin aux paradoxes du travail hybride mais aidera chacun à vivre avec.