Professeure de 27 ans en lycée professionnel, il m’est impossible et inconcevable de pratiquer un cours magistral, notamment dans mes disciplines : histoire – géographie et français. J’applique la méthode de Carlot en géographie et celle de Sautot en français qui m’ont été transmises pas mes anciens formateurs de l’IUFM de Lyon. Elles se recoupent toutes les deux et se résument par l’impression que le meilleur professeur est celui qui laisse ses élèves créer le cours en leur donnant l’impression qu’il a un poil dans la main.
Il n’y a que des intérêts à cette démarche….
D’abord car les matières ne s’y prêtent pas toujours comme on pourrait le penser.
En français, on se doit de comprendre un texte, d’en rechercher les différents sens. Il faut donc le lire, le relire, le comparer à d’autres de son époque ou plus contemporains traitant un thème commun. Une analyse de texte ne passe pas par des lectures répétitives d’une belle page mais par le pullulement progressif de coups de crayons, chaque trait se rapportant à une idée précise. Bref, le texte que chaque élève a en sa possession ne reste pas vierge. Ce bel extrait est raturé par les élèves eux mêmes. En bon fonctionnaire que je suis, je reste inactive.
Ensuite car c’est à l’élève de construire son propre savoir.
En géographie, ponctuellement, il m’arrive de donner 3 ou 4 documents. Je demande à mes élèves de me trouver un titre, de dégager un ou plusieurs thèmes,…. et bien évidemment sans oublier le fondamental : la problématique. Ainsi, je ne reste pas assise à blablater sur diverses informations aidant à la digestion et au repos de mes chers “disciples”. C’est l’inverse!!!
Il est évident que chaque lycéen ayant durement besogné sur l’exercice donné doit avoir une synthèse écrite. Mais pourquoi prendre mes phrases toutes prêtes, les écrire ou les dicter.
Compliquons la tâche!
Prenons celles des élèves! Je n’écris pas au tableau mais donne mon crayon, je ne parle pas. En effet, soit je regarde, j’écoute et corrige si nécessaire soit je note le cours dicté par l élève sur le cahier de la classe ou sur son propre cahier. Je suis dans l’économie de paroles et de gestes.
L’avantage, c’est que l’élève est acteur. Il se sent plus responsable quand c’est lui qui transmet sa réflexion. Il est mis en autonomie. Il y a une mise en valeur de son travail donc de sa personne. En outre, j’ai constaté que quand je m’assois à la place de l’un d’eux et que je l’écoute, prends en note ses dits ses camarades sont plus attentifs. Le bavardage, les potins de “Envy Lycéen ” prennent moins de place.
Que me reste-il donc à faire?
Le cours est fait, transmis et la discipline assurée par mes élèves. Je peux partir remettre mes tongs (petit clin à d’œil à Laurent Joseph de compagnons de cordée), mon short, mes lunettes de soleil ou venir habiller dans cette tenue pour montrer ce que je suis mais au moins je toucherai mon salaire à la fin du mois.
Mais être un professeur fainéant demande beaucoup de travail !
Où est la logique? C’est antinomique.
On ne peut arriver les mains dans les poches! Mon package Promovacances a oublié le soleil et les cocotiers.
Pour fabriquer” ses cours pour professeurs paresseux”, l’enseignant, doit suivre les programmes, noter les dates, lieux, notions, démarche recommandée, se renseigner pour avoir un minimum de connaissances à transmettre, construire l’évaluation avant le cours , rechercher les “bons” documents, questionner ses documents, les analyser, réfléchir à l’intégration de sa séance dans sa séquence, de sa séquence à sa progression, etc… mais surtout se mettre à la place de l’élève. Eh oui, il est primordial de jouer le rôle de l’élève et de construire comme lui la séquence pour essayer de devancer ses interrogations, ses difficultés. Examiner si les aides peuvent être les TICE (Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Education) dans le langage de l’éducation nationale. Etre étudiant au lycée signifie pour les plus aisés (loin d’être la majorité) être connecté “H24” à un réseau social et échanger des SMS. Sa présence en classe ne change rien.
Je crois que la mission de l’enseignant pour être encore plus apathique, flemmard est d’utiliser cette addiction. En quoi les moteurs de recherche, les réseaux sociaux peuvent permettre la construction d’un savoir? De plus en plus de professeurs essaient ponctuellement d’inclure Twitter dans leurs séances. C’est un outil intéressant mais j’estime qu’avant de faire “moderne” avec le miccro-blogging, il convient d’abord de familiariser les élèves avec l’utilisation des moteurs de recherches et de gestion de la confidentialité sur Facebook.
C’est très intéressant. Néanmoins, c’est applicable au lycée (et difficilement avant) et surtout cela suppose qu’avant votre cours, les élèves ont des bases solides.
De plus, à mon avis, cela s’applique bien plus facilement aux sciences humaines qu’aux sciences “pures” qui admettent moins la créativité (au moins jusqu’à un certain niveau de connaissance : 2+2 ça fait 4. 6*8, ça fait 48 et ln(4) = 2ln(2))
Mais le pire que j’aie pu voir, reste l’application de cette méthode à l’écriture. En primaire, certains professeurs laissent les élèves créer leur propre écriture (surtout quand c’est pour un gaucher où en plus le prof se sent incapable de montrer correctement).
J’ai halluciné sur le résultat. Que de temps perdu à écrire un 4 en 3 morceaux et des “e” en deux fois.
Bref, à réserver à certaines matières et à des classes qui ont eu, avant, un parcours suffisamment bordé.
++
Effectivement, c’est intéressant mais il manque une grande rubrique au développement , c’est à dire le résultat sur l’acquisition des savoirs et voire des compétences (méthodologiques, comportementales…) en fin d’année de ces éléves par comparaison par exemple à des professeurs “normaux” ou aux résultats à des examens genre BAC ou autre indicateur “éducation nationale”.
Moi je dirai peut importe la méthode du formateur , c’est le résultat qui compte…
Bien obligé de réagir, puisqu’on parle de ma “méthode”. Delphine reprend bien le style provocateur que j’affectionne, cependant … Quand on forme des profs débutants, un des problèmes est de leur faire comprendre qu’il ne faut pas bouffer l’oxygène des élèves. Généreux le prof débutant se donne et sort épuisé(e) de son cours. Ce n’est pas tenable. Son job c’est de faire bosser les élèves. On peut les faire bosser sous le joug et assumer une autorité excessive. Excessive, par une présence trop grande et une attention à l’élève diminuée d’autant. Delphine exagère : elle ne fait pas rien ! Elle écoute ses élèves. Elle leur porte attention et intérêt, et elle se fabrique une posture dans la classe qui permet l’expression scientifique. En lycée professionnel avec des élèves en demande de reconnaissance ce n’est pas rien ! Notamment dans des disciplines où l’appétence de l’élève au sortir du collège n’est plus bien grande.
La réaction de Jérome m’intéresse aussi. Elle présuppose que dans les disciplines scientifiques (bon on ne va polémiquer là dessus, mais moi aussi je fais des sciences, elles sont sciences du langage et de l’éducation, c’est peut être moins pur mais pas moins scientifique !) l’élève aurait moins de place. Erreur fondamentale à mon avis. Parce que c’est là aussi qu’il faut que l’élève raisonne.
Toujours de Jérome : on laisserait les élèves faire ce qu’ils veulent comme ils veulent. ce n’est pas ce que décrit Delphine. Elle pose un cadre et des habitudes de travail. Dans ce cadre l’élève est libre de penser. Que nos amis des sciences pures nous démontrent que ce n’est pas un cadre valide d’apprentissage.
Témoignage d’une élève qui est passée dans les mains d’un professeur du même genre en 6ème et 5ème, matière histoire-géographie. La première année a été terrible : je ne comprenais pas où voulait aller le prof et ma hantise des interrogations orales me faisait recracher le texte du livre par coeur. Par contre dès que j’ai réussi à comprendre la méthode, la deuxième année, mes notes ont crevé le plafond.
Analyser pour retirer avec ses mots ce qui nous semblent important : c’est une pratique que j’ai utilisé pendant mes études et que j’utilise encore aujourd’hui pour me former et écrire.
Je salue ton courage. Cela doit demander beaucoup de travail.
c est très passionnant l article.
Merci de votre article et de tous les commentaires des lecteurs! Cela implique que oui il existe en France des profs engagés qui se posent des questions.
Excellent article. Je me suis bien informé.