S’il y a bien une chose sur laquelle toute l’équipe de Génération Y 2.0 se bat depuis sa constitution, c’est la réduction (et la classification) des individus, des générations ou des personnalités en cases ou en « listes de courses ». Pourtant, vu les formations proposées sur le sujet (pas de liens mais vous reconnaitrez) la catégorisation à la hache a encore de bons jours devant elle.
Alors voilà, vous venez de signer avec votre prestataire de formation habituel une formation sur la génération Y. Pour la commencer, c’est incontournable, le formateur intergénérationel (qui sera seul, pour info nos formations sous toujours à deux) va commencer par vous présenter une description des différentes générations :
Les vétérans (ou génération silencieuse) :
- Loyauté et sens du devoir.
- Acharnement au travail.
- Docilité face à l’autorité.
- Gratification retirée de l’effort de travail fourni.
- Loyauté envers son entreprise.
- Connaissance moindre des technologies de l’information et des communications.
- Leur motto : Sauver la liberté !
Les Baby boomers (1945 – 1964):
- Génération du «peace and love».
- Préoccupation des valeurs familiales (malgré les nombreux divorces).
- Entrée sur le marché du travail avec des possibilités d’emploi exceptionnelles
- Vie centrée sur le travail et la valorisation sociale liée à la carrière.
- Respect de l’autorité et de la structure hiérarchique.
- Sentiment d’appartenance à l’entreprise avec ses collaborateurs considérés comme une famille.
- Leur motto : Sauver les baleines !
Les X (1965 – 1977):
- Recherche de défis et besoin d’apprendre.
- Confrontation à une pénurie d’emplois, d’où une attitude égocentrique et sarcastique.
- Travail comme clé d’épanouissement, ouverture au changement, recherche de défis, besoin d’apprendre et de se développer.
- Désir de participer à la prise de décision et à la détermination des objectifs.
- Équilibre travail, famille et vie; ce n’est pas uniquement le travail (flexibilité des horaires de travail, possibilité de congé prolongé, etc.).
- Critique face aux institutions et aux autres générations, remise en question de l’autorité vue comme le noyau central de l’organisation plutôt que comme une structure hiérarchique.
- Recherche de gratification immédiate.
- Leur Motto : Sauver la planète !
Les Y (1978 – 1994) :
- Ouverture sur le monde.
- Peu de modèles auxquels s’identifier, notion floue du bien et du mal.
- Équilibre travail, famille et loisir.
- Rebellion face à l’autorité, incompréhension du besoin de ponctualité, de marques traditionnelles de courtoisie, du port du costume, etc., respect envers la personne qui sait devenir un modèle.
- Volonté de gravir les échelons au pas de course.
- Génération «tombée dans la technologie à la naissance».
- Indépendance envers l’employeur, l’entreprise doit avoir quelque chose à offrir, et non l’inverse; il faut mettre des étincelles dans leurs yeux.
- Génératrice d’idées, débrouillarde et critique.
- Recherche du plaisir dans le travail, d’un rythme et de résultats rapides, d’un emploi stimulant, pas de routine.
- Besoin de coaching, recherche d’un mentor et non d’un supérieur, intention d’avancer seul et d’avoir quelqu’un sur qui compter si ça ne fonctionne pas.
- Désir d’évoluer au sein d’un d’une communauté; valorisation du travail d’équipe.
- Leur Motto : trop tard !
Et là dessus, pour enfoncer le clou il vous dira que :
1. « Les boomers sont critiques à l’égard des jeunes!Pourtant, ils les ont éduqués! Pour les boomers, les jeunes d’aujourd’hui manquent de respect envers l’autorité (77%), ne connaissent pas leur héritage culturel québécois (75%), vivent dans la ouate (71%), sont plus égoïstes qu’eux (70%), ont perdu le sens des valeurs collectives (70%), sont trop individualistes (68%), sont moins travailleurs (58%). Les boomers critiquent les jeunes au niveau de leurs qualités individuelles. »
2. « Les jeunes dressent un bilan négatif de l’héritage laissé par les boomers ! 73% des jeunes trouvent injuste que les boomers leur laissent une planète polluée, 74% trouvent aussi injuste que les boomers leur fassent payer la dette gouvernementale qu’ils ont créée. 58% estiment que les boomers laissent le monde en pire état que lorsque ces derniers en ont hérité! Les boomers avaient la prétention de changer le monde, pour la moitié des jeunes (48%) ils ont échoué. Les jeunes critiquent les boomers pour ce que leur génération a fait! »
3. « Comparativement à la génération Y (18-29 ans), la génération X ou la génération sandwich est plus critique à l’égard des boomers, plus pessimiste face à son avenir et plus à droite politiquement que les plus jeunes. C’est la génération négligée, flouée, qui a une dent face aux générations qui l’ont précédé. »
Selon l’enquête que le formateur aura trouvé une définition des générations ici
Sortir des clichés générationnels
C’est bien joli. Les listes sont toujours pratiques et faciles à retenir. En plus ces descriptions sont pour la majorité des cas très justes. Il y a pourtant un léger souci.
Comment voulez vous créer des équipes soudées et efficaces si vous mettez dans la tête de vos stagiaires des clichés et des comportements générationnels qui c’est-prouvé-il-y-a-une-enquête-internationale-d’un-cabinet-conseil-en-management-très-connu-qui-l’a dit ? Je ne veux pas non plus dire que nous manquons d’esprit critique et appliquons aveuglément ce que nous apprenons dans les formations, mais en diffusant des clichés nous pouvons très facilement commencer inconsciemment à agir et réagir en fonction de ces croyances. Nous ne l’avons que trop vu dans les pays anglophones où beaucoup de managers, attirés par la simplicité et le coté « automatique et sexy » de ces descriptions ont commencé à cloisonner leurs pratiques de management ou de fidélisation selon l’âge de leurs collaborateurs :
- 25 ans, il ou elle sort de l’école donc en avant le plan de formation et le parcours professionnel.
- 35 ans, forcément, il ou elle, veut (ou a eu) des enfants. Et hop voici le flexitime pour assurer l’équilibre vie privée / vie professionnelle. Il faudra aussi, si l’entreprise le peut, faciliter l’accès à la propriété.
- 45 ans, c’est sans doute l’heure de mettre ses enfants à l’école. Nous sommes un employeur de référence donc nous allons nous assurer que notre salarié reçoive une rémunération qui soit dans la moyenne du secteur et lui reparler formation.
- 55 ans, ben mon vieux, votre avenir est derrière vous. Rassurez vous, en attendant la retraite on va vous placer dans un rôle de transmission ou vous pourrez donner tous vos trucs et astuces à ceux qui vont prendre votre suite.
Et encore, là je vois les choses très positivement.
Si vous voulez créer une équipe intergénérationnelle ou faciliter le travail et la compréhension entre les générations, la première étape n’est pas dans ces listes mais dans le dialogue !.
Commencez plutôt à ouvrir ce dialogue ebn rassemblant vos équipes lors de plusieurs rencontres d’une heure qui permette à chacun de donner ses pensées sur :
- le travail
- Les valeurs professionnelles
- Le respect
- La colaboration
- L’utilisation des outils informatiques (un grand classique : « vu que je suis dans le bureau d’à coté, peut on se voir plutôt que s’échanger des emails ? »)
- etc…
Vous allez vite vous appercevoir que beaucoup de valeurs sont intergénérationnelles mais qu’elles ne se démontrent pas de la même façon. Vous allez aussi identifier les « imposteurs générationnels » ceux qui n’ont pas la culture associée habituellement à leur âge et qui attendent d’être reconnu pour cela !
Les formations ne doivent donc pas donner des clés de comportements aux managers mais les aider à animer ce type de réunion et s’assurer que chacun parle de son expérience et de ses observations sans jamais tomber dans le jugement ou l’attaque et dans le « Les Y sont des Branl.. », « Les X des Lose… » etc. «
A lire : Intergénérationnel : travailler ensemble loin des clichés – Seconde partie