Cette question a été posée par un élève de l’IESEG, une école de commerce Lilloise, lors d’une conférence sur le recrutement des jeunes diplômés. Enfin, plutôt sur “le recrutement et les réseaux sociaux de la génération Y”, ce qui est plus vendeur.

Parmi le panel de professionnels auquel était destinée cette question se trouvaient le responsable du recrutement de Auchan et la Responsable RH des 3 Suisses. Sortez vos cahiers, exercice : “destinée” : épithète ou attribut ?

 

Notre première réaction à cette question a été de nous regarder les un les autres pour :
– Comprendre si l’un de nous avait compris ce que nous demandait cet étudiant
– Savoir qui allait répondre à sa question aussi incongrue que primordiale
– Penser que normalement ce sont plutôt les “X” qui se demandent quoi faire avec les “Y”

Je dois reconnaître que sur mes 200 interventions en écoles de commerce, ingénieurs, formation pro ou MBA, cette question m’a été très rarement posée. Et c’est logique ! Qui s’intéresse aux X ? On organise chaque semaine des conférences sur “Décrypter la génération Y“, “Motiver la génération Y” ou “Survivre à la génération Y” à laquelle beaucoup de quadra se rendent. Si nous organisions des conférences “décrypter la génération X” ou “Survivre à la génération X”, est-ce que les Y viendraient ? Pas sur ! Déjà qu’ils ne viennent pas quand on parle d’eux….

Il faut se rendre à l’évidence, une conférence sur la génération Y fait le plein, une conférence sur la génération X ferait (au conditionnel car je n’ai jamais entendu parler de conférence sur ce sujet en France) un four. Sorti du film de canal+ ou de youporn, le X n’intéresse personne ! Oui, c’est vraiment “tropinjuste” !

Effectivement, si les cultures X et Y sont différentes, il circule autant de clichés sur les X que sur les Y, au  point de créer des séparations abruptes aussi abruptes qu’un Hacker chez les Amish  :

  • Les Y ont grandi dans des familles souvent décomposées dans lesquelles ne manquait pas l’amour. Ce qui a renforcé la communauté familiale;
    • Les X ont grandi dans une famille unie (vivant sous le même toit) mais absente (tout le monde au boulot et le mercredi : athlé, judo, piano pour occuper les enfants…). Ce qui a renforcé le sens de l’individualisme.

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  • De toute façon, avec le contrôle des naissances, les Y sont désirés ! Nos petits chéris, enfant rois sont admirés pour leur précocité;
    • Les X eux, n’étaient pas programmés. Enfants de l’amour, tu parles ! Et éteint-moi cette télé et va jouer dehors !

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  • Depuis qu’ils sont enfants on dit aux Y qu’ils sont géniaux et peuvent réussir ce qu’ils entreprennent à condition d’en avoir la volonté et le courage. S’ils ont de mauvaises notes…c’est qu’il y a un problème de notation;
    • Depuis qu’ils sont enfants, on dit aux X qu’ils ne sont jamais assez bons et ne doivent pas avoir d’attentes trop importantes qu’ils verront déçues. S’ils ont de mauvaises notes…c’est qu’ils ne travaillent pas assez.

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  • Les Y ont pleins d’amis qu’ils appellent “leur clan ou leur tribu” et avec lesquels ils sont en contact permanent;
    • Les X n’ont pas d’amis car il savent que c’est chacun pour soi. S’ils en ont leurs parents appelleront cela “une bande”, et une bande c’est composée de voyous !

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  • Les entreprises se demandent sérieusement s’il ne faut pas adapter les pratiques de management, d’évaluation et d’organisation aux jeunes diplômés Y;
    • Les entreprises n’attendaient rien de spécial des jeunes diplômés X hormis de faire leur preuve, de s’adapter et de se fondre dans le moule déjà existant.

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  • Un manager va féliciter un Y pour être arrivé à l’heure, s’être rasé ou s’être intéressé à un projet;
    • Un manager va féliciter un X pour… euh…pour… non, un X ne se félicite pas car un X n’est jamais assez bon pour cela ! C’est la génération “Peut mieux faire”.

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Et ces clichés sont partagés par les jeunes stagiaires qui travaillent avec ces gens “si différents” car ils ont des enfants, peur de perdre leur job, souhaitent prouver leur engagement, ont peur de la hiérarchie,…

C’est tout le rôle du “générationaliste” de faire le lien entre les cultures générationnelles et briser (menu menu) les a priori que les un ont envers les autres en intervenant entre les deux dans les écoles et dans les entreprises pour :

Dire aux étudiants que l’entreprise n’est pas celle qu’ils croient

Une entreprise n’est pas une somme de processus façon Qualité ISO, ni une accumulation de services mais d’abord des hommes et des femmes travaillant pour le meilleur et pour le pire jusqu’à ce qu’une démission ou une promotion les sépare. Il faut prévenir les étudiants que le monde de l’entreprise est peuplée de gens bizarres : des parents, des salariés inertes dont la plus grande peur n’est pas d’attraper le cancer mais de perdre leur emploi, des ambitieux complotant à longueur de journée leur prochain coup professionnel, des hédonistes n’attendant qu’une chose : qu’on leur demande  des infos ou pose des questions dans une volonté sincère de transmettre… bref, des gens aussi variés que différents dans leur mode de vie, approche de la hiérarchie et vision professionnelle !

Dire aux managers que les jeunes diplômés ne sont pas ceux qu’ils croient (qui a dit “ils sont pires” ?)

Il est temps de comprendre que les “Y” ne sont pas d’un bloc nés entre 78 et 94 ! Qu’ils ne sont pas que des zappeurs démobilisés,  des émotifs qui se racontent à qui veut ou des drogués de web et de SMS qui mériteraient de rejoindre le groupe Facebook “sauvez l’orthographe, mangez un jeune” ! Leur expliquer qu’ils sont communautaires avant individualistes, passionnés avant désengagés, confiants avant méfiants. Bref, que les traiter de “jeunes” en levant les yeux au ciel comme si c’était un état temporaire qui cesserait avec leur premier enfant et leur premier prêt bancaire sur 30 ans était la seule explication !

Le générationaliste fait passer 3 messages. Pas plus, car les moins de 30 ans auront décrochés avant pour jouer sur leur téléphone et les plus de trente ans à la mémoire défaillante n’en retiendront pas d’avantage :

  1. Nous sommes tous différents, même si nous venons du même village et avons la même date d’anniversaire de la même année. Je partage ce privilège avec Charlotte Gainsbourg, et elle chante mieux que moi.
  2. Nous avons plus de points communs que de points de divergences. A vous Managers de faire évoluer votre attitude de “j’en ai bavé, tu vas en baver”. Il est temps de grandir et d’abandonner ce comportement de grande soeur : “Pourquoi a t’elle droit de se maquiller à 15 ans et de sortir en boite alors que moi j’ai attendu d’avoir 18 ans ?”
  3. Prenons les gens pour qui ils sont, pas pour ce que nous pensons qu’ils sont. Et pour cela, le meilleur moyen reste de leur demander :  Que pensent-ils des modes de reconnaissance utilisés, quel sens donnent-ils à leur emploi, quel place doit pour eux tenir la hiérarchie,…

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