Education : De l’information à l’innovation

Education : De l’information à l’innovation

De l’information à l’innovation. Si professionnellement les recruteurs sont les premiers à percevoir les évolutions des comportements des futurs salariés, ce sont les enseignants qui sont en première ligne des changements touchant notre société. Le monde éducatif doit aujourd’hui faire face à une véritable révolution : passer de l’information à l’innovation. Et il semble que pour une fois ce mot ne soit pas galvaudé :

La première est connue : elle est technologique et fait de l’enseignement en classe une expérience d’apprentissage parmi d’autres.

La seconde était attendue : l’approche consommatrice des étudiants envers leur école. Ils en veulent pour leur temps et leur argent.

La troisième est une surprise : l’évolution des relations entre les enseignants et leurs élèves dans laquelle chacun à quelque chose à apprendre à l’autre.

Education : De l’information à l’innovation

Technologie : de la classe à la communauté sociale

Apprendre ne se résume plus seulement à sa présence physique en classe pour faire face à un professeur que l’on écoute sagement. Avec l’avènement de « l’apprentissage social » (comme énoncé par Albert Bandura en 1986 !) on peut apprendre avant et après les temps fort de l’éducation en présentiel. On peut continuer à apprendre en différé grâce au « 2.0 ». En réalité, il ne s’agit plus d’apprentissage dans le sens « transmission de connaissances d’un expert à un élève ». C’est plutôt de la création d’un lieu d’échanges dans lequel les apprenants peuvent avoir une conversation avec l’enseignant ou entre eux (co-apprentissage). Il s’agit alors  de découvrir par l’échange de trouvailles, de questions, de liens, d’idées ou de trucs et astuces. Ces salles de marchés de l’information – qui existent depuis longtemps sous forme de forums – s’appellent aujourd’hui twitter si vous êtes dans le « microblogging » ou delicious si vous connaissez le « social bookmarking ». Il peut aussi s’agir de Diigo si vous êtes dans le « Knowledge sharing » ou bien smart.fm pour le « Crowd Learning ».

Si je ne vous ai pas encore perdu, je tiens à préciser que si vous mixez tout cela avec un blog, des exercices en groupe, du mentorat en entreprise ou des podcasts (« baladodiffusion » en français) vous obtenez du « Blended Learning ».

Bref, bienvenue dans le « cloud » !

Non seulement le lien entre l’enseignant et les élèves ne se rompt plus à l’intercours, mais en faisant profiter aux autres de ses propres découvertes, l’information devient plus fluide. L’impact que ce premier comportement se voit depuis un moment dans l’entreprise par la volonté de partager les infos plutôt que de les considérer comme un moyen de pression et d’influence. C’est le « Je ne sais pas : je demande. Je sais : je partage » de Serge Soudoplatoff.

Comment garder (ou vendre) la présence en classe incontournable lorsque les outils disponibles peuvent donner aux élèves la fausse impression qu’ils peuvent rester chez eux pour avoir les mêmes informations ? Peut-être en étant plus interactif qu’un jeu vidéo, plus excitant qu’un film d’aventure ou plus malin que Google ? Bref, en assurant le fond ET la forme !

Les étudiants consommateurs

Les étudiants n’achètent pas un savoir, mais un avenir. Ils savent très bien que la connaissance est « relative et temporaire » et que l’école est d’abord là pour fournir  des méthodes d’apprentissage et un diplôme qui en France n’est pas un « sésame » mais d’abord un « statut ».

S’ils en ont les moyens, ces étudiants achèteront l’école ayant la meilleure image, proposant le meilleur salaire de sortie, disposant du plus grand nombre d’anciens, et bien sur, le meilleur taux d’emploi à la sortie. Bref, ils en voudront pour leur argent ! (ou celui de leurs parents)

Il est donc attendu :

  • De passer d’une année à l’autre comme un dû (ce n’est pas nouveau certes),
  • D’apprendre ce que l’on veut, quand on veut, où on veut (c’est l’apprentissage à la carte ou le WWW en anglais pour Whatever, Whenever, Wherever)
  • D’être rassuré sur le niveau d’expertise des intervenants qui seront des professionnels et pas professeurs (quitte à le valider soit même via google ou note-tes-profs.fr),
  • D’obtenir (au minimum) le salaire de sortie présenté dans la plaquette de l’école lorsque l’on s’est inscrit
  • …  la liste est encore longue.

Comment gérer des étudiants peut être plus intéressés de prendre que de donner alors qu’en même temps ils s’ennuient de plus en plus vite ? Comment leur expliquer que la qualité de leur avenir dépend d’abord d’eux ?

Peut être en commençant par abandonner l’approche platonicienne de l’éducation, qui alors même qu’elle la dénonce, a créé une tyrannie de l’enseignement basée sur l’écoute de l’enseignant en silence, le « par cœur » et le conditionnement. A la question d’un professeur seule la bonne réponse doit être donnée sous risque de moquerie du professeur ou de quolibets des autres élèves. Que faire pour que cela change ?

Peut être est-il temps de se souvenir de Socrate (ou de maitre Miyagi). Les étudiants se réunissent en petits groupes autour d’un maître et sont mis face à eux-mêmes. Leur capacité d’apprendre dépendra de leur capacité à trouver leurs propres questions et non à écouter les bonnes réponses d’autrui.

Les relations étudiants / enseignants

Il est évident que ces évolutions technologiques et comportementales créent une mutation des relations entre les enseignants et leurs élèves. D’abord car le savoir est la portée de tous, quelques clics suffisent pour avoir sa réponse à toutes questions (Google répond à 50 milliards de questions chaque mois à travers le monde, et pour info Google a 70% du marché des moteurs de recherche…). Ce qui peut donner l’impression que le professeur est « superflu » et que son rôle est réduit à celui de « bande son ».

Mettons-nous alors dans les chaussures d’un(e) enseignant(e). Comment peut-il réagir lorsque ses élèves testent ses compétences dès les premières minutes du cours avant de le demander comme ami Facebook (de moins en moins désormais) à la pause s’ils l’ont jugé crédible et digne d’intérêt ?

Il est facile de comprendre les enseignants qui perçoivent ces attitudes comme un manque total de respect envers eux, transmetteur incontesté de savoir et autorité incontestable de la salle de classe. Pourtant, ces mêmes enseignants sont étonnés que la plupart du temps, leurs étudiants suivent le cours avec attention alors même qu’ils sont en train de chatter sur live Messenger ou de mettre leur profil Facebook à jour. Les responsables administratifs ne sont d’ailleurs plus étonnés de recevoir des avis de réception d’email de la part d’étudiants qui sont en cours…

On a  beau dire que les étudiants sont plus facilement multitâches qu’auparavant, comment doit se sentir l’enseignant face à une audience cachée derrière son ordinateur portable ou « textant » des SMS. En octobre 2009, une enquête TNS Sofres précisait que 95 % des 16-17 ans disposent d’un téléphone, contre 76 % des 14-15 ans et 49 % des 12-13 ans. De plus, 47 % des ados interrogés avouent utiliser leur portable en cours et la moitié d’entre eux avaient déjà reçu un appel ou un message qui a fait sonner le téléphone en cours. Du coup, 21?% se sont déjà fait confisquer leur mobile par l’établissement et 25?% par leurs parents.

En plus, Google dans la classe donne l’impression aux élèves qu’ils ne sont plus limités par le savoir de leur professeur. Ils peuvent se permettre de mettre en doute sa parole, car ils ont lu « quelque chose quelque part » mettant parfois l’enseignant en position de devoir convaincre son assistance.

Passer de l’information à l’innovation

Alors, avant de devenir amis Facebook avec vos élèves et de lancer votre blog, une réflexion sur l’enseignement s’impose d’elle-même.  Les enseignants sont en train de remettre en question les modes d’éducation. A l’image de la remise en question de certains managers et dirigeants qui s’interrogent sur les pratiques de management en rejoignant des groupes de réflexion tels que l’APM ou le CJD.

« L’école ennuie, l’entreprise fait peur », peut être y a-t-il moyen de changer les choses dans cette culture du « chiant ». Finalement, si la discipline était le premier réflexe, n’y a-t-il pas moyen de réfléchir aux moyens d’engager son audience ?

Plutôt que de baisser les bras en se considérant victime de « l’ère de la distraction ». Les enseignants inventent de nouvelles voies pour lutter contre l’inattention en adaptant le fond et la forme, et en multipliant les modes d’apprentissage, qu’ils soient online ou offline.

Et surtout, et pas enfin, n’est-il pas plus profitable de communiquer le  sens de ce qui doit être appris que de forcer l’accumulation de données à retenir qui deviennent vite obsolètes ?