Comportements Y, à qui la faute ?

Je m’appelle Julien, Kevin, Emma ou Chloé. J’ai 25 ans et je fais partie de la génération Y. En tout cas, c’est ce que j’ai pu découvrir lors d’une conférence sur le sujet où j’accompagnais Laurent, mon patron. Mais quel est le comportement Y que l’on attribue ?

comportement Y à qui la faute .

Qu’est-ce que je me suis fait charrier le lendemain matin au bureau. Et pourtant, à bien y réfléchir, ce n’est pas de ma faute si je suis comme cela.

C’est vrai, on nous reproche d’être individualistes. Est-ce ma faute si :

  •  Mes parents m’ont toujours dit que le plus important dans la vie était d’être heureux et que j’étais le seul responsable de mon bonheur ?
  •  Mon psy m’a fait comprendre qu’il fallait avant tout satisfaire mes besoins avant de penser aux autres ?
  •  Dans de nombreux reportages télévisés on m’a montré des personnes qui, après 20 ans de bons et loyaux services envers leur employeur, se sont fait licenciés. « Ne comptez que sur vous » disaient-ils.
  •  Mes copains m’incitent à demander les avantages qu’offrent le Comité d’Entreprise dès l’entretien de recrutement (parce que eux, ils en ont plein !)
  •  Mes grands parents n’ont pas arrêté de me dire qu’il est « interdit d’interdire« * ?

On pourrait ajouter d’autres facteurs potentiellement en cause :

  • L’impact des réseaux sociaux et de la culture de l’image, encourageant la mise en avant de soi.
  • Une société de plus en plus axée sur la consommation et le succès individuel.
  • Un système éducatif parfois trop centré sur la performance et la compétition individuelle.
  • Des modèles valorisant la réussite personnelle et financière au détriment d’autres valeurs.
  • Une perte de confiance envers les institutions et les autorités traditionnelles.

Plutôt qu’un trait de caractère inné, cet individualisme semble donc résulter d’un ensemble de facteurs sociétaux et générationnels complexes. Comprendre ces influences est crucial pour créer des environnements de travail favorisant l’épanouissement et la collaboration de ces jeunes talents, tout en respectant leurs aspirations légitimes

 On nous dit également impatients. Est-ce ma faute si :

  •  Les entreprises ne peuvent plus nous garantir de nous employer sur 20 ans ?
  •  Les profs de mon école de commerce m’ont conseillé de ne jamais rester trop longtemps dans une entreprise parce qu’ont devenait vite inemployables ?
  •  On peut devenir une star interplanétaire à 18 ans ?
  •  Il suffit de 3 clics pour m’acheter ce que je veux, quand je veux
  •  Mon école d’ingénieur m’a dit que je devais réclamer 3.000 euros de salaire lors de mon entretien d’embauche, parce que franchement, je cite « c’est ce que tu vaux, compte tenu de ta formation »

On accuse fréquemment les milléniaux d’être une génération impatiente, qui manque de persévérance et de loyauté envers les entreprises. Cependant, comme pour l’individualisme, cette impatience semble être le résultat de multiples facteurs contextuels plutôt qu’un simple trait de caractère. Comme l’illustre ce témoignage, plusieurs éléments de leur environnement ont pu nourrir cette attitude.

On pourrait ajouter d’autres facteurs alimentant cette impatience :

  • Un monde en constante accélération technologique où tout évolue très vite, poussant à vouloir avancer rapidement.
  • Des modèles de réussite « start-up nation » valorisant ceux qui gravissent très vite les échelons.
  • Une époque de zapping permanent et de raccourcissement constant des cycles d’attention.
  • Un manque de perspectives d’évolution rapide au sein des structures traditionnelles jugées trop rigides.
  • Une quête de sens et d’accomplissement personnel immédiat plutôt que différé.

Plutôt que de les critiquer, il est préférable pour les entreprises de composer avec cette impatience en accélérant les cycles de formation, de responsabilisation et d’évolution. Offrir des challenges stimulants et un environnement agile permettra de canaliser positivement cette énergie milléniale.

On nous reproche d’être trop Interconnectés. Est-ce ma faute si :

  •  Mes parents m’ont toujours laissé faire ce que je voulais et n’ont jamais été sévères avec moi (ils sont trop bien mes parents !) ?
  •  J’ai vu plein de films qui mettent en évidence que l’être est plus important que l’avoir ?
  •  Mes enseignants m’ont ressassés qu’il fallait appartenir à un réseau le plus large possible pour trouver un bon job ?
  •  Ma mère se comporte comme ma meilleure copine ?
  •  Je peux bénéficier de super réductions si je crée un compte sur Groupon ?

Un autre grief souvent adressé aux milléniaux est celui d’être une génération trop interconnectée, accro aux réseaux sociaux et aux nouvelles technologies. On leur reproche de vivre en quasi-permanence connectés, au détriment des interactions réelles. Cependant, là encore, plusieurs facteurs contextuels semblent expliquer ce comportement plutôt qu’un simple trait de caractère.

Plutôt que de les critiquer, les entreprises gagneront à tirer parti de cette hyperconnexion en proposant des outils de collaboration en ligne performants et en valorisant le travail en réseau décloisonné. Canaliser ces comportements de façon productive permettra de capitaliser sur les atouts de cette génération numérique.

Il paraît qu’on veut prendre trop d’Initiatives. Est-ce ma faute si :

  •  On me fait croire que je pourrais changer le monde, comme Steve Jobs, Larry Page ou Marc Simoncini ?
  •  Mes dirigeants m’incitent à être innovant (ce qui n’est pas le cas de mon responsable direct, soit dit en passant)
  •  Mon père m’a dit que le plus important n’était pas de travailler dur mais d’être suffisamment malin pour savoir saisir toutes les opportunités
  •  Mon grand père n’a cessé de me dire que je ne devais être « ni robot, ni esclave« * et qu’il fallait, « avant même que d’écrire, que j’apprenne à penser « *?

Au lieu de critiquer cette tendance à l’hyperconnexion des milléniaux, les entreprises ont tout intérêt à l’embrasser et à en tirer le meilleur parti. Voici quelques pistes pour y parvenir :

  • Mettre en place des outils de collaboration en ligne performants (espaces de travail virtuels, visioconférences, messageries instantanées, etc.) qui correspondent aux modes de communication naturels de cette génération.
  • Valoriser et encourager le travail en réseau transversal, décloisonné des silos traditionnels. Favoriser les échanges et synergies entre équipes, services, implantations.
  • Développer une culture d’entreprise valorisant la mise en commun des connaissances, le partage et la co-construction plutôt que la rétention d’informations.
  • Permettre et encourager l’utilisation professionnelle raisonnée des réseaux sociaux pour échanger, promouvoir les activités et recruter des talents.
  • Créer des communautés en ligne d’accès aux experts, de partage de bonnes pratiques, de remontée d’idées innovantes.
  • Former les managers à tirer le meilleur de ces équipes hyperconnectées en adoptant des modes de management participatifs et collaboratifs.

En canalisant intelligemment ces nouveaux comportements au lieu de les réprimer, les entreprises capitaliseront sur l’agilité, la réactivité et l’ouverture d’esprit de cette génération numérique. Une approche gagnant-gagnant, à condition de savoir évoluer dans ses modes de fonctionnement.

Etrange, en conviendrez-vous, de constater que ceux qui reprochent ces comportements sont également ceux qui en sont à l’origine…

*Slogans de mai 68

Alors, le comportement Y, un sujet ?

En définitive, plutôt que de critiquer et de reprocher leurs comportements à la génération Y, il est grand temps d’embrasser ces nouveaux modes de fonctionnement qui sont le reflet des évolutions sociétales.

Cette génération n’a fait que s’adapter à l’environnement dans lequel elle a grandi, façonné par les influences de ses aînés, des médias, du système éducatif et des nouveaux modèles de réussite véhiculés. Son individualisme, son impatience, son hyperconnexion et son esprit d’initiative sont les fruits de ces multiples facteurs contextuels qui n’empêcheront pas leur fidélisation dans la durée.

Au lieu de les rejeter, les entreprises ont tout intérêt à les accueillir à bras ouverts et à tirer le meilleur de ces atouts. En repensant leurs modes de management, de collaboration et de reconnaissance, elles créeront les conditions optimales pour que ces talents puissent s’épanouir pleinement.

Cette génération Y a le potentiel pour insuffler un vent de modernité, d’agilité et de créativité dans les organisations qui sauront l’comprendre et la valoriser. Son énergie, son audace et son ouverture d’esprit sont des atouts clés pour relever les défis d’un monde en mutation permanente.

Alors cessons les critiques stériles et engageons-nous résolument dans cette voie : celle d’un embrassement enthousiaste des nouvelles réalités amenées par ces digital natives. C’est à ce prix que les entreprises survivront et prospèreront dans le monde de demain !