Alors pourquoi continuons-nous encore à croiser régulièrement des managers qui l’utilisent encore. Surtout chez de jeunes managers qui doutent d’eux-même parce ce qu’ils sont mal (ou pas du tout) accompagnés pour faire leur premier pas (et erreurs) dans leur nouvelle fonction.

Le « Command and Control », petit rappel
Un concept militaire appliqué un peu trop à la lettre en entreprise
Pour rappel le « Command & Control » est un modèle de management militaire basé sur une structure hiérarchique où l’autorité est centralisée. Il repose sur deux principes fondamentaux :
- Ordre (Command) → Le commandant dicte une action
- Contrôle (Control) → Il s’assure que l’ordre a été exécuté de façon conforme.
Dans ce système, les décisions sont prises au sommet et appliquées de manière descendante, assurant une coordination stricte des actions.
Cette approche fonctionne efficacement dans des environnements où la prévisibilité et la rapidité d’exécution sont primordiales, comme les opérations militaires conventionnelles ou les processus industriels normalisés.
SAUUUUF que dans un monde VUCA / BANI , ce modèle montre ses limites dans des contextes dynamiques et complexes où l’adaptabilité et l’initiative sont nécessaires. En limitant l’autonomie des subordonnés, il ralentit la prise de décision et réduit la capacité à réagir aux imprévus.
De plus, la rigidité du Command and Control peut entraîner une dépendance excessive aux ordres supérieurs, empêchant les acteurs sur le terrain de s’ajuster rapidement aux changements. Sans parler de rester dans le confort de l’obéissance.
C’est dans ce cadre que des approches alternatives comme le Mission Command ont émergé, cherchant à équilibrer la discipline du commandement avec l’agilité décisionnelle
En entreprise, une approche qui n’est plus adapté à ce qui est attendu des salariés
Pour revenir en entreprise, le Command and Control se traduit par un modèle de management hiérarchique rigide où les décisions sont prises exclusivement par la direction et appliquées sans remise en question par les équipes.
Les collaborateurs sont tenus de suivre des processus stricts, avec peu de marge de manœuvre pour l’initiative individuelle. La communication fonctionne majoritairement de manière descendante, et l’évaluation des performances repose sur le respect des directives plutôt que sur la capacité d’adaptation ou l’innovation.
Alors oui, accordons-le. Ce modèle peut être efficace dans des secteurs très réglementés ou nécessitant une exécution standardisée, comme la production industrielle ou la finance, où la conformité et la minimisation des risques sont essentielles.
Cependant, dans un environnement en mutation rapide, cette approche peut freiner l’agilité et la réactivité des équipes. Les collaborateurs se sentent souvent déresponsabilisés, ce qui peut entraîner une baisse de l’engagement et de la motivation.
C’est dans ce contexte que de nouvelles approches, comme le Mission Command, émergent pour rééquilibrer contrôle et autonomie, en offrant une alternative plus souple et plus réactive au management traditionnel.
Du « Command and Control » au « Mission Command »
Le Mission Command est à la fois une philosophie du commandement et une fonction qui soutient le concept opérationnel de l’armée, à savoir les opérations terrestres unifiées (Unified Land Operations) quand plusieurs armées doivent collaborer ensemble contre un ennemi potentiel commun.
En tant que philosophie, le Mission Command consiste en l’exercice de l’autorité et de la direction par le commandant à travers des ordres de mission, permettant ainsi aux subordonnés d’exercer une initiative disciplinéedans le cadre de l’intention du commandant. L’objectif est de renforcer l’agilité et l’adaptabilité des leaders dans l’exécution des opérations terrestres unifiées.
En tant que fonction, le Mission Command repose sur des tâches essentielles et un système de commandement qui facilitent l’exercice de l’autorité et de la direction par le commandant.
Remplacement du Command and Control : Un besoin stratégique
Ce n’est pas une nouvelle terminologie managériale. L’armée a compris depuis longtemps que le Command and Control est inadapté aux exigences modernes du combat et du commandement.
C’est l’un de nos exemples préférés pour expliquer que les solutions d’hier deviennent les problèmes d’aujourd’hui. Si cette approche du C&C était valable dans le cadre d’une guerre contre un pays identifié qui demande d’intégrer un contingent d’appelés : OK, ça marque.
Mais que vous apportez le chaos actuel de la guerre par proxy, de la professionnalisation de l’armée ou le terrorisme intérieur, ça fonctionne moins bien. Le simples et prévisible devient inefficace dans des situations complexes et dynamiques.
Et dans l’entreprise aussi cela apport de nombreux problèmes qui nourrit la bureaucratisation :
- Une approche rigide empêche la réactivité.
- Les décisions dépendent trop de la chaîne de commandement.
- L’exploitation de l’initiative est entravée par des procédures trop lourdes.
C’est pour s’adapter aux temps actuels que le Mission Command propose, non pas de remplacer le Command and Control mais de lui donne un cadre plus large et plus pertinent : Plutôt que de se concentrer uniquement sur l’émission d’ordres et la conformité, il cherche à responsabiliser les subordonnés en leur permettant d’exploiter l’initiative dans le cadre des intentions du commandant.
Mission Command : L’empowerment stratégique
Le Mission Command ne cherche pas à remplacer le contrôle mais à l’équilibrer avec l’autonomie et l’initiative. L’ancienne approche du C & C créait une fausse illusion de contrôle basée sur des procédures visibles (cartes, schémas, overlays).
Le Mission Command, en revanche, mise sur un contrôle invisible mais puissant : la compréhension commune.
- Si chaque soldat comprend la vision du commandant, alors même sans ordres directs, il prendra des décisions alignées sur l’objectif stratégique. Cela permet aux subordonnés d’exploiter l’initiative tout en respectant l’intention du commandant.
- C’est un niveau de contrôle bien plus puissant que des ordres écrits ou des schémas tactiques car le contrôle est utiliser pour favoriser l’autonomie, et non pour contraindre.
Pour résumer c’est du « contrôle mental stratégique » : tout le monde est sur la même longueur d’onde, même face à l’imprévu.
📌 Exemple en entreprise :
Deux équipes de développement produit travaillent en parallèle. L’une suit un modèle hiérarchique classique où chaque décision doit être validée par le manager, l’autre fonctionne sur le principe du Mission Command, où les collaborateurs ont une marge d’autonomie. L’équipe la plus agile, capable d’exploiter l’initiative sans attendre des validations interminables, sera plus efficace et plus innovante.
Le Mission Command en entreprise : saisir, conserver et exploiter l’initiative
Saisir, conserver et exploiter l’initiative : une nécessité stratégique
Dans un environnement en constante évolution, une entreprise ne peut pas simplement prendre une décision et s’y tenir sans ajustement. Comme dans une opération militaire, il est essentiel de non seulement saisir une opportunité, mais aussi de l’exploiter en continu pour maintenir un avantage concurrentiel.
📌 Exemple récent : Une startup de la fintech détecte un besoin émergent pour une nouvelle solution de paiement. Elle lance rapidement un prototype (MVP) et obtient des premiers retours positifs. Toutefois, si elle ne capitalise pas sur cette dynamique en améliorant et en déployant rapidement son produit, un concurrent plus réactif pourrait exploiter cette opportunité à sa place.
L’erreur fréquente dans les entreprises est de s’arrêter à la première étape : saisir une opportunité sans la développer pleinement. Un leadership inspiré du Mission Command pousse les équipes à exploiter pleinement l’initiative, en les incitant à anticiper les prochaines étapes au lieu d’attendre des directives hiérarchiques.
Maintenir une position d’avantage relatif
Un avantage compétitif n’est jamais permanent. Une entreprise qui domine son marché aujourd’hui peut voir sa position fragilisée demain si elle ne continue pas d’innover et d’anticiper les changements.
📌 Exemple récent : Une entreprise du e-commerce devient leader en adoptant une politique de livraison express. Au départ, cela lui donne un avantage certain sur ses concurrents. Mais si elle se repose sur ses acquis sans chercher à améliorer l’expérience client ou optimiser sa chaîne logistique, elle risque de voir des nouveaux entrants capter sa part de marché.
L’enjeu n’est donc pas seulement de gagner un avantage, mais de le renouveler constamment. C’est ici que l’initiative individuelle et collective devient un atout stratégique.
Les trois responsabilités clés du manager Mission Command
1. Piloter le processus de décision, pas juste donner des ordres
Un manager ne doit pas se contenter de superviser. Il doit être un facilitateur qui aide son équipe à :
- Comprendre les défis et les opportunités.
- Visualiser les solutions possibles.
- Décrire une stratégie claire et compréhensible.
📌 Exemple : Un leader commercial ne doit pas simplement fixer des objectifs de vente, mais aussi expliquer le pourquoi de ces objectifs et s’assurer que son équipe comprend la vision globale de l’entreprise.
2. Donner du sens, pas juste des directives
Les ordres ne doivent pas être des consignes rigides, mais des orientations stratégiques qui permettent aux collaborateurs de prendre des initiatives en autonomie.
📌 Exemple : Dans un service client, plutôt que d’imposer des scripts à suivre à la lettre, un manager devrait donner une ligne directrice et laisser les agents adapter leur discours selon la situation et les besoins du client.
C’est à la base du management par les valeurs ou les valeurs remplacent les ordres
3. Évaluer l’adéquation du plan, pas seulement sa conformité
Dans un management classique, on juge la réussite à l’aune du respect du plan initial. Dans le Mission Command, la vraie question est : ce plan est-il toujours pertinent face aux évolutions du marché ?
📌 Exemple : Un projet de transformation digitale est lancé avec un calendrier strict. Plutôt que d’exiger un respect absolu des délais, un manager en Mission Command doit être capable d’ajuster la feuille de route en fonction des retours des utilisateurs et des évolutions technologiques.
Pourquoi adopter le Mission Command en entreprise ?
Le Command & Control donne une illusion de contrôle : on croit maîtriser l’organisation simplement parce que tout est formalisé dans des process et des reportings. En réalité, cette rigidité empêche l’entreprise de s’adapter rapidement.
Le Mission Command repose sur une vision partagée : chaque collaborateur comprend où l’entreprise veut aller et pourquoi, ce qui lui permet de prendre des décisions cohérentes sans attendre de validation constante.
🎯 L’objectif final :
- Accélérer la prise de décision en supprimant les intermédiaires inutiles.
- Encourager l’innovation en laissant plus de place à l’expérimentation.
- Renforcer l’engagement des collaborateurs en leur donnant une vraie autonomie.
Un manager efficace aujourd’hui ne se contente plus de donner des ordres : il crée un cadre clair et fait confiance à ses équipes pour prendre des initiatives alignées avec la stratégie. C’est là toute la force du Mission Command appliqué à l’entreprise.
Les entreprises évoluent dans un environnement incertain où l’agilité et l’autonomie sont devenues essentielles. Pourtant, de nombreuses organisations restent figées dans un modèle hiérarchique rigide, inspiré du Command & Control, où la prise de décision est centralisée et l’exécution des tâches est strictement surveillée. Ce modèle, bien qu’efficace dans des contextes stables, limite la capacité d’innovation et ralentit la réactivité face aux imprévus.
À l’inverse, le Mission Command, issu de la doctrine militaire, propose un cadre où les équipes sont responsabilisées pour prendre des décisions alignées avec l’intention stratégique de l’entreprise. En entreprise, cela se traduit par une gestion où les managers donnent une direction claire et laissent aux équipes l’autonomie nécessaire pour saisir, conserver et exploiter l’initiative.