Merci pour vos mails et commentaires, voici donc la suite des aventures de Stéphane, le DG d’international SA et de Françoise, la DRH du groupe. Nos deux compères n’ont pas le temps de prendre de vacances et doivent faire face à des hordes de jeunes affamés.
Pour raconter cette histoire de « Romanagement » nous utilisons tous les moyens modernes mis à notre disposition tels que les échanges de mails, conversations téléphoniques, SMS, Twitter, etc…
Cette partie suit directement l’introduction que vous trouverez à cet endroit. Cette seconde partie, qui est le premier chapitre de l’ouvrage, est intitulée « On a pas le temps« .
Elle introduit les deux héros dans leurs rapports de travail (respect/hiérarchique et formel/informel). Elle met aussi en valeur la difficulté de distinguer l’urgent de l’important. Notamment en Ressources Humaines où il est difficile de savoir dans quel ordre traiter des problèmes qui sont très souvent connectés les uns aux autres.
Siège, 16 septembre, 19 h 00. On frappe à la porte de Françoise André.
— Entrez !
— Dites-moi, votre porte est toujours fermée ? Commença Stéphane avant de saluer.
— Non, non, j’étais juste en train de revoir les chiffres du turnover et je souhaitais un peu de calme.
— Bon, reprit-il en déposant la pizza qu’il portait, vous me rassurez. Avoir sa porte fermée pour une responsable RH, ce serait un comble ! Alors où en sommes nous ?
— Nous allons perdre 100 salariés l’année prochaine et je ne sais pas quoi faire. Pas brillant du tout. Nous avons perdu 76 personnes cette année et si nous continuons comme cela, nous en perdrons 80 l’année prochaine. En plus, d’après notre dernier Codir, avec le lancement de notre nouveau produit à la rentrée, nous devons recruter au moins 40 personnes supplémentaires. Nous allons donc devoir recruter 120 personnes d’ici à l’année prochaine.
— Attendez, vous ne pouvez pas me dire que nous allons continuer à perdre autant de monde sans réagir ! Quelle reco avez-vous ? Quelle stratégie pour arrêter ce massacre ?
— Je n’en ai pas. J’ai encore perdu la journée à trouver comment mettre en place le Droit Individuel de Formation que tout le monde nous demande. Et c’est vraiment sous la pression populaire que je m’y suis mis ! Pour le moment, nous sommes en train de revoir nos contrats avec nos fournisseurs de formation afin de réduire nos coûts de formation des nouveaux salariés. Nous travaillons aussi à réduire les délais d’intégration pour rendre les nouveaux arrivants plus vite efficaces. Et je ne vous parle pas de nos accords GPEC et de…
— Attendez ! coupa Stéphane. Vous êtes en train de m’expliquer qu’il vaut mieux perdre notre temps à traiter les symptômes que soigner le mal ! Vous perdez un temps précieux à régler les problèmes qui arrivent plutôt que de prendre ce temps pour remonter à son origine ! Bon je pense que l’on va commencer par les basiques. Stéphane prit une feuille de papier dans l’imprimante et commença à écrire. Françoise n’osa pas lui dire qu’il y avait une pile de feuilles déjà imprimées d’un côté, prévues pour être des brouillons.
— Nous avons donc 40 personnes qui nous ont quitté cette année pour une autre raison que la retraite. 15 pour des raisons de management, 12 pour leur carrière, 5 pour des questions d’emploi et 2 pour la rémunération. Êtes-vous sûre de vos chiffres ? Ca ne fait pas 40.
— Oui. 100 % sûre ! Ces personnes sont parties pour des raisons que nous jugeons « évitables », il y a aussi eu quelques départs inévitables comme Madame Mouget qui a suivi son mari muté en Corse. Le reste : des départs dont nous ignorons les causes, car les salariés ont refusé de nous dire. Ceux-là ont plutôt claqué la porte en partant que cherché à nous aider à arranger les choses.
— OK. Considérons que ces départs sans raison sont des départs évitables. Cela nous fait 36 DE pour 4 DI. Soit 80% de départs qui auraient pu être évités. Je remarque en même temps que ceux qui partent le plus on moins de 2 ans d’ancienneté et… moins de 30 ans ! A mon avis ce n’est pas une coïncidence !
— En fait, si les plus seniors partent pour des opportunités de carrière, nous ne comprenons pas vraiment pourquoi nos jeunes partent. Nous avons utilisé un prestataire extérieur de mener des entretiens avec les démissionnaires. Nous avons tout eu ! Ceux qui s’ennuyaient, ceux qui ne supportaient pas de recevoir des ordres, ceux qui ne voyaient pas pourquoi ils travailleraient pour rendre riche leur patron ! C’est du grand n’importe quoi comme dirait mon fils aîné.
— Eh bien, c’est simple. Arrêtons de recruter des jeunes !
— Oui, excellente idée ! Nous y avions pensé, mais le marché de l’emploi n’est pas en notre faveur ! Même avec la crise ! Et même si nous avions nos réservoirs de talents pleins à ras-bord cela nous coûterait trop cher de ne recruter que des professionnels expérimentés ! Sans compter que nous avons besoin de jeunes pour le front desk. Ca donne une meilleure image de notre société. Je vous rappelle que notre âge moyen est de 46 ans, ce qui n’est pas « jeune – jeune ».
— En d’autres mots et en résumé, vous me dites que nous avons besoin de moins de 30 ans et que nous ne savons pas leur parler, enfin si mais après ils se rendent compte que ce sont des bobards. Vous me répétez ce que Benjamin Chaminade nous a dit lors du séminaire la semaine dernière. Si nous parvenions à rétablir la communication, nous pourrions donc à la fois résoudre notre problème de recrutement et de turnover !
— Oui, mais pour arranger les choses : On a pas le temps ! Nous devons d’abord achever la mise en place du DIF et l’entretien professionnel associé, préparer le plan de formation, assurer le dernier audit qualité et recruter.
— Eh bien je vais prendre une mesure « exécutive »! Si vous n’avez pas le temps… prenez-le ! Réduire le taux de turnover de nos jeunes salariés est devenu à l’instant votre priorité number one ! J’ai lu que le remplacement d’un salarié peut coûter entre 1/2 et 3 fois son salaire annuel ! Nous perdons 40 personnes par an avec un salaire moyen qui est de 38 000 euros à la louche. Prenons une fourchette basse de 1 an de salaire annuel pour remplacer quelqu’un…
— Oui, avec la vacance du poste, le recrutement, la formation, les erreurs commises pendant l’intégration et j’en oublie, le montant doit être élevé.
— Le turnover nous coûterait donc 1 520 000 euros par an. Nom d’une pipe ! Vous savez ce que nous pourrions faire avec cet argent en trésorerie ??!!! Je vous donne carte blanche et le budget que vous voulez pour arrêter l’hémorragie. Faites ce que vous voulez, appelez des consultants, recrutez de l’aide ou prenez des otages, mais je veux voir des résultats avant la fin de l’année. Et je vous regarde en face pour vous dire que si rien n’a changé dans 3 mois je vous en tiendrai personnellement responsable ! Une part de pizza ? Ca va refroidir.
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L »introduction et le premier chapitre