La Fondation pour l’innovation politique a communiqué en janvier 2011 les résultats d’une enquête sur les jeunes et la manière dont ils voyaient le monde. Cette étude est particulièrement intéressante car elle conforte certaines tendances des jeunes Français et surtout permet de comparer leurs perceptions avec celles d’autres jeunes résidant dans 24 autres pays dans le monde.


La famille, symbole d’une vie heureuse
Faut-il encore le démontrer, la réussite professionnelle n’est plus au centre de la vie. En fait, le projet de vie des jeunes est avant tout centré sur l’envie de fonder une famille (58%) et d’avoir des enfants (47%). Signalons au passage que nous sommes juste derrière la Russie.


Le travail : un moyen, plus une fin
Si dans l’ensemble les jeunes français sont satisfaits de leur travail (61% – le maximum étant de 64% pour les Indiens), le prestige professionnel et la réussite sociale n’est plus du tout, mais plus du tout un facteur de motivation (seulement 4%). Il semble que bon nombre n’auront pas leur Rolex à 50 ans ! Par ailleurs, 16% pensent que l’argent fait le bonheur. Où allons-nous !

Ces résultats confortent les tendances que nous avions notées et expliquent les difficultés que peuvent rencontrer certaines entreprises à attirer de nouveaux talents. Cessez de promettre une évolution de carrière source de succès et d’enrichissement, vous êtes à côté de la plaque, surtout quand la motivation s’oriente de plus en plus vers un travail qui est utile à la Société. Bien évidemment ce n’est pas le cas dans les pays émergents où 64% des Indiens et 57% des Chinois pensent que l’argent fait le bonheur. C’est normal, nous n’en sommes pas au même stade d’évolution.


De l’individualisme à la collectivité
Autre fait intéressant : 67% considèrent que la société idéale serait avant tout centrée sur la répartition équitable des richesses, 33% sur la performance individuelle. 61% des sondés se disent prêts à payer pour les retraites des générations antérieures.
Assisterions-nous à la fin d’une ère matérialiste ? Le système capitaliste serait-il allé trop loin ? Quelle est l’incidence de cette vision sur les modes de gestion courants dans les entreprises qui pensent encore que l’attractivité repose sur la rémunération individuelle ? Un petit indice : chez Apple, les salariés ne sont pas rétribués à la commission et pourtant sont fiers d’y travailler. Savez-vous pourquoi ?


Désengagement vis-à-vis des pouvoirs politiques
Seulement 17% des sondés ont confiance dans leur gouvernement. 12% se disent intéressés par le militantisme politique et 46% par le milieu associatif.
Ces chiffres n’étonnent plus et marquent la rupture entre les citoyens et ceux qui sont censés les représenter. Ceci est d’ailleurs conforté par l’augmentation régulière des taux d’abstention aux différentes élections (excepté les présidentielles) ces 30 dernières années.
Ce que l’on ne trouve pas en haut, on va le chercher à côté. C’est ainsi que l’on peut noter l’augmentation croissante du nombre d’associations et de réseaux communautaires.
Et ce phénomène se répercute dans l’entreprise. Si je ne me sens pas bien avec mon patron, je vais me rapprocher de mes collègues. Et si je ne me sens pas bien avec mes collègues, je vais communiquer par facebook avec mes amis car dans ce monde individualiste, j’ai besoin de maintenir du lien avec autrui. Le défi des entreprises consiste à recréer du lien, une relation de confiance, redonner envie de s’engager.


La France, le pays du pessimisme
Alors que 53% des Français juge son avenir personnel prometteur (61% en moyenne pour la jeunesse européenne), seulement 17% estime que l’avenir de la France est prometteur (contre 82% en Chine et 83% en Inde). 49% pensent qu’ils sont certains d’avoir un bon travail dans l’avenir (65% étant la moyenne européenne).
A peu près la moitié des jeunes Français considère que la mondialisation est une menace. Seulement 29% des jeunes Français pense que l’Union Européenne va jouer un rôle important.
La France étant réputée pour son scepticisme et son pessimisme, il n’y a rien d’étonnant. Point intéressant cependant : 83% des jeunes Français se disent satisfaits de leur vie (la moyenne globale est de 78%).
Comment expliquer que plus des ¾ des personnes sondées sont plutôt satisfaites de leur vie personnelle et professionnelle (tous les sondages centrés sur la motivation et le bien-être au travail font ressortir ce point) sont inquiètes de leur avenir ? Paradoxal, non ? En fait, pas vraiment car, en France, on aime bien se faire peur pour savourer ce que l’on a déjà par définition. Nous sommes l’un des rares pays à se rendre malheureux à vouloir être heureux, mais c’est un autre sujet.

Dernier point, et non des moindres. Cette enquête portait sur 242 items (nous en avons fait un résumé) qui ont été posés à 1.300 personnes par pays : 1.000 jeunes de 16 à 29 ans et 300 personnes de 30 à 50 ans.

N’aurions-nous pas là une autre démonstration que les caractéristiques que certains attribuent exclusivement aux jeunes concernent en fait la société toute entière ?