Connaissez vous le pub franco-irlandais non loin de la TGB ?
Assis au soleil, en terrasse, peu avant 16h nous dégustons une de leurs délicieuses bières brassées maison. Mon attention est attirée par un entretien apparemment improvisé entre 2 serveurs. L’évaluation se déroule autour d’une table proche.
Dans ce type d’établissement le service est assuré par des étud-Y-ant(e)s de plusieurs nationalités. Anglais, Etiopiens, italiens, espagnols, irlandais, américains, …l’anglophonie est obligatoire. Le nombril a l’air en option.
Client occasionnel, j’avoue que leur décontraction et la gentille qualité du service (SBAM sincère – sourire bonjour aurevoir , merci) sont parfois ternies par une attente trop longue, qui cadre mal avec l’ambiance business du nouveau 13ème arrondissement de Paris. Anyway, par habitude j’y avais rapidement pensé et mis cela sur le compte… de la langue ou de la jeunesse. A vrai dire, il m’avait échappé qu’un établissement de 180 couverts (le midi), comme les 5 autres dans Paris, est forcément managé, animé.
C’est pourquoi je tendais l’oreille, intrigué par le manège des 2 jeunes gens. Michael (le plus agé), 25 ans au plus, avait pris un cola
light, Andrew un café. Entre eux, la table et un set retourné sur lequel Michael avait visiblement noté quelquechose.
L’entretien démarra en anglais :
Michael Well A. it’s been 3 month since you’ve been here ? what do you think ? HOw do you feel ?
Andrew (fort accent africain) well. I feel alright. It’s cool. The team has been ok with me since i joined. I had no problem with the customers. I don’t know… you tell me (rires)
Michael Andrew it’s the end of your probation period so i’d like to set a quick overview of these 3 months. First : bar attendance. Pout-être vieux tu que je continioue (fort accent américain) en français ce seraï plus easy poor toua ?
Andrew …
Michael – OK bon alors d’abord ça va plutôt OK. TU respectes bien les horaires et on s’arrange plutôt bien. Au fait ça va tes études ?
Andrew … (A. parle trop bas pour que j’entende)
Michael Tant mieux. Je trouve que tu te débrouilles bien. Tu as fait des efforts pour aller dans le bon rythme hein good rythm, cause sometimes it’s rush hour (rires partagés). C’est important. Tu es souriant et tu suis bien les consignes (il coche sur son set).
L’échange continue pendant quelques minutes. Michael jette un oeil sur son set retourné. Puis le ton change légèrement. M. parle un peu plus fort et un peu plus rapidement
Michael Juste un point important pour toi. Quand c’est le rush, toujours les débutants se mettent à faire les cafés parce que les cafés, c’est facile. Easy play. Et les débutants ont tendance à vouloir faire ce qui est easy. Tu comprends ?
Andrew acquiesce, toujours décontracté, juste concentré
Michael Moi ce que je te dis, c’est prendre les cocktails. C’est pas évident au début, mais c’est comme ça que tu apprends. Quand c’est moi qui suis là, tu dois prendre les cocktails… OK et même quand c’est pas moi (rires brefs). Prends les cocktails. Quand tu as 5 minutes, comme là, tu jettes un oeil sur la carte pour savoir ce qu’il y a dedans. Right ? Comme ça tu es pas trop surpris pendant le rush. Et tu apprends. Tu seras plus confortables et plus efficace. Et ça c’est bon pour tout le monde, OK, les clients sont servis plus vite. Anyway sinon ils attendent parce que vous n’êtes pas assez à faire et il y a bouchon.
Andrew OK je tente les cocktails quand il y en a !
Michael ouaip c OK
2 minutes plus tard ils parlent visiblement d’autres choses.
Je repense à ces compagnies dans lesquelles on s’envoie 12 mails pour caler une date d’entretien. Cet entretien devant durer au moins 1h30 sinon “ce n’est pas sérieux”. Ces compagnies dans lesquelles les entretiens de fin de période d’essai si importantes pour le nouvel embauché sont baclées par des managers débordés (mails, meetings, …), blackberry sonnant 10 fois par heure. Bref je repense à ces compagnies pour qui le nouvel embauché, surtout s’il est jeune, ne mérite pas vraiment l’attention promise pendant le recrutement.
Je repense au formalisme qui masque parfois une difficulté à “avoir prise”, à gagner l’engagement d’une génération difficile à comprendre pour les managers X ou baby boomers.
Les clés de leur management ? (doit-on encore parler de management ? ) Ni la solennité, ni l’autorité hiérarchique de façade. Elles se situent probablement davantage dans la simplicité d’expression, la recherche de feedback et de bonne compréhension permanente, la rapidité (l’entretien a duré 15 min maximum) et attention (au sens de caring – mais sans paternalisme -).
Le propos n’était pas de passer en revue toutes les compétences à l’oeuvre, mais quelques fondamentaux métiers et mettre l’accent sur un point très opérationnel, concret. En indiquant clairement la conduite attendue et s’assurer de sa bonne compréhension
Michael manage Andrew. Michael travaille avec lui. Andrew n’est pas a proprement parler le “collaborateur” de Michael. Pourtant le respect était évident.
Vous vous dites que la recherche de compréhension est due aux langues natales différentes ? Pensez diversité
Vous vous dites “dans mon business c’est différent, c’est sérieux, avec les RH on gère leur carrière ?” Pensez que vos nouveaux embauchés ne cherchent pas une carrière mais une expérience riche
Vous vous dites que c’est facile à dire plutôt qu’à faire ? Pensez au temps passé à la machine à café ou a table à constater que “c’était mieux avant… au moins ils connaissaient le sens du mot hiérarchie…” ?
Au fait, de quand date le dernier entretien d’évaluation dont vous êtes sorti en vous disant “ils m’ont compris” ? satisfaisant ? Pensez organisations matricielles transversales produits/régions…
Par jeu, avant de déjeuner j’ai commandé un “Virgin Pina Colada” il y a 5 minutes… ananas, glace, crème, noix de coco dans un grand verre après shaking… délicieux !