La notion de marque d’employeur a le vent en poupe. Pourtant, entre les promesses non tenues des entreprises et l’opportunisme des candidats, le marketing du recrutement rencontre aujourd’hui ses limites. Une puissante marque d’employeur peut effectivement créer un décalage entre ce qui est initialement perçu et réellement vécu.
S’il supporte le résultat d’un entretien d’évaluation qui ne lui a pas été favorable, que se passe-t-il lorsque le jeune candidat s’aperçoit qu’il n’occupe pas le poste pour lequel il a été embauché et n’est pas traité comme il devrait l’être ?


Un marché touffu mais imparfait

De Sydney à Paris de plus en plus d’acteurs essaient d’investir le marché de la “marque d’employeur”. Mais si, dans ces deux pays, les prétendants sont nombreux, personne ne semble remporter le marché.

Tout d’abord, on trouve les agences de création ou de publicité. Ces agences ont une réelle légitimité car elles sont capables de capturer l’essence de la promesse de l’employeur et de créer des campagnes qui feront rêver les candidats. Mais attention, il y a un revers à cette médaille : sur-promettre, passer à côté d’une culture de l’entreprise faite d’hommes et de femmes – une culture pas toujours glamour – et induire les candidats en erreur quant à leur prochaine réalité quotidienne.

Egalement sur ce marché, les cabinets de recrutement. Ils cherchent à offrir de nouveaux services afin d’améliorer la marque de leurs clients et ainsi faciliter la recherche de talents. Malheureusement, il leur reste encore du chemin à parcourir car beaucoup pensent encore que la marque d’employeur relève simplement du marketing de recrutement. Avoir une charte graphique distincte sur les job boards, utiliser des annonces d’emploi accrocheuses et présenter des témoignages de ses salariés dans son portail emploi ne sont que la partie immergée de l’iceberg.

Pour terminer, on trouve les consultants RH et communication, qui, s’ils se montrent brillants pour identifier la culture d’une entreprise et identifier les points d’attraction et de répulsion, peinent parfois à créer des messages marketing percutants. Ils seront pourtant d’une aide précieuse pour assister leurs clients à obtenir une reconnaissance “d’employeur de référence” officielle auprès de différents cabinets de conseils, des mensuels ou des écoles de commerce (Hermann group, Hewitt, Great Place to Work®, Top employeurs, la revue Commerce au Canada, la Vlerick Leuven Gent Management School en Belgique, etc.)

Ces trois approches différentes pour aider les entreprises à séduire et attirer les talents ne fournissent pas un service complet répondant à toutes les attentes. Ceci d’autant plus que, si la marque d’employeur est nécessaire, elle commence à montrer ses limites vis-à-vis de certains publics.

Retour sur terre avec les jeunes candidats

Lors de conférences dans des écoles de commerce françaises, j’ai demandé aux élèves de première année pour quelle entreprise ils souhaitaient travailler. La plupart avaient déjà leur idée en tête et citaient les noms de grands groupes français ou américains. Comment peuvent-ils avoir une idée des entreprises où ils veulent travailler alors qu’ils n’ont pas eu de contact avec les communications de marque d’employeur de ces entreprises ?

En approfondissant un peu les choses et en rencontrant les dernières années, une autre tendance semble rendre la marque d’employeur inutile et renforcer la “marque” tout court. Une jeune diplômée se félicitait d’avoir été retenue dans l’entreprise qu’elle visait. Certes, cette entreprise était reconnue best employer et proposait à ses jeunes salariés de développer leurs compétences personnelles et leur expertise métier. Pourtant, cette personne avait accepté l’emploi pour une toute autre raison : avoir un nom solide sur son CV, qui lui permettrait de pouvoir choisir son prochain emploi plutôt que de devoir être choisie. Globalement ce que nous avons tous fait avant que l’on ne parle de marque d’employeur !

Les candidats sont-ils vraiment sensibles aux efforts réalisés par l’entreprise pour avoir une marque distincte de ses concurrents ? Cette notion d’image d’employeur n’est-elle pas déjà un peu dépassée ?

Les dangers de la marque d’employeur

En reprenant sans cesse les mêmes valeurs professionnelles pour vanter leur culture (écoute du client, respect de l’environnement, éthique, etc.) et en développant ainsi des images clonées, les entreprises se passent elles-mêmes la corde autour du cou. Avoir une marque d’employeur, c’est faire une promesse. Celle que le salarié vivra une expérience professionnelle tellement complète qu’il ne partira que pour des raisons personnelles inévitables (relocation du conjoint, décès, etc.)… et non pour des raisons évitables (mauvaises relations interpersonnelles, absence de formation, etc.) qui sont pourtant responsables de 70% du turn-over.

Sauf qu’en développant une image d’employeur, vous augmentez les attentes de vos candidats. Vous aurez beau être le meilleur dans le classement, il y a de fortes chances que vous créiez autant de déçus que lorsque vous n’étiez pas un “EOC” (Employeur of Choice). Finalement, vous aurez abaissé le seuil de stress de vos candidats devenus salariés qui partiront au moindre incident et d’autant plus facilement s’ils sont courtisés ! Et ils le seront, puisque les employeurs de choix servent souvent de réservoirs de talents.

Une puissante marque d’employeur peut effectivement créer un décalage entre ce qui est initialement perçu et réellement vécu. S’il supporte le résultat d’un entretien d’évaluation qui ne lui a pas été favorable, que se passe-t-il lorsque le jeune candidat s’aperçoit qu’il n’occupe pas le poste pour lequel il a été embauché et n’est pas traité comme il devrait l’être ? Que l’image de marque de son employeur soit bonne ou pas, il peut arriver deux choses : s’il lui est facile de trouver un emploi ailleurs, il part et dans le cas contraire, il reste, mais démotivé.

Une solution se développe : l’offre d’employeur

Seulement voilà, toutes les entreprises ne s’appellent pas L’Oréal, Apple ou LVMH. Les plus petites entreprises, n’ayant pas accès aux outils marketing ou aux classements d’employeurs de référence, doivent faire preuve de bien plus d’imagination. L’une des solutions envisageables est de ne plus tout miser sur une marque, mais sur une offre d’employeur.

Cette offre concerne les modalités du séjour du salarié dans votre entreprise :
– Pour quoi faire ?
– Avec qui ?
– Combien de temps ?
– Avec quelles opportunités de développement et de carrière ?

Ce qui donne par exemple : “Vous allez être responsable des études de marché pour un lancement de produit en Provence (pour quoi faire). Vous travaillerez Jean-François (avec qui). Vous allez beaucoup apprendre avec lui car il arrive de d’un cabinet conseil en étude de marché et connaît toutes les ficelles du métier (opportunités de développement). Votre responsable des études s’appelle Pierre (avec qui). Il a eu un MBA il y a deux ans et il saura vous écouter et vous guider (opportunités de développement). D’ici six mois (combien de temps), vous devriez avoir développé de nouvelles compétences en marketing (opportunités de développement). L’année prochaine nous avons plusieurs départs à la retraite dans votre département ; selon vos résultats vous pourrez bien sûr postuler si l’un de ces postes vous intéresse (opportunités de carrière).”

Cette approche a l’avantage de :

– Montrer au candidat qu’il n’est pas du bétail, mais bien un élément de valeur qui vient rejoindre une équipe et que s’il joue le jeu, il peut se développer.
– Aider les salariés à se projeter dans l’avenir, au moins à six mois.
– Montrer que l’on ne va pas garder le salarié au même poste toute sa carrière.

Alors non, rien de nouveau, tout recruteur, responsable RH ou manager doit déjà faire cela. Enfin… devrait ! Cela s’appelle s’engager !

Si vous souhaitez toujours en savor plus sur la marque d’employeur, il vous reste à acquérir ce cehf d’oeuvre de la littérature classique, bientôt publié à la Pléiade : “Créer votre marque d’employeur pour attirer et fidéliser…

C’est vraiment la fin de la marque d’employeur