Leadership digital ou management à distance.
De nouvelles recherches menées par MITSloane suggèrent que les collaborateurs s’attendent à ce que la transformation digitale respecte mieux leurs préoccupations et leurs valeurs, et ne se contente pas de stimuler la productivité et les opportunités commerciales.
Ce qui signifie que dans l’environnement actuel, les dirigeants doivent être particulièrement attentifs à leur style de leadership et doivent se demander si les outils, techniques et technologies digitales aident les consommateurs, collaborateurs et investisseurs à se sentir valorisés.
Des talents et des valeurs, la base du leadership digital
La transformation digitale – en tant qu’idéologie commerciale et impératif d’entreprise – a gagné. D’un coté les dirigeants ont acceptés que leurs marchés, leurs clients et leurs travailleurs soient passés au digital. De l’autre, avec la pandémie du COVID-19, les derniers réfractaires n’ont pas eu le choix ! Selon l’enquête du MITSloane Management Review, 93 % des collaborateurs, tous secteurs et pays confondus, affirment qu’il est désormais essentiel d’avoir des connaissances en matière de digital pour bien remplir son rôle. La maitrise de Word ne suffit plus ! L’agilité, l’adaptabilité et l’orientation client sont devenus la devise du digital, un mantra managérial et une source d’inspiration pour les dirigeants.
Les valeurs des collaborateurs font les valeurs de l’entreprise, plus le contraire
Pourtant, dans la vie réelle, ces transformations ont été accompagnées d’un retour de bâton imprévu. À mettre l’accent sur la quête de productivité et à mettre les outils avant les humains, les managers ont exposés, voir créés, de nouvelles attentes de la part de ce que l’étude appelle “les talents digitaux”. Ceux-ci attendent maintenant une plus grande flexibilité, une meilleure rémunération et un environnement de travail favorisant la créativité avant la productivité. Les travailleurs du numérique s’attendent à ce que la transformation respecte mieux leurs préoccupations et leurs valeurs, et ne se contente pas d’assurer des capacités et des opportunités commerciales supérieures. Ce que j’ai pu vivre dans de nombreuses entreprises françaises et européennes s’avère être u mouvement mondial : les collaborateurs attendent un changement (une modernisation dans certains cas) des valeurs de leur entreprise, de l’organisation de leur travail et d’une transformation du leadership qui reflète la transformation digitale et la complexité du monde VUCA.
Je ne vais pas m’étendre tellement c’est devenu évident : ces attentes modifient la manière dont les dirigeants exercent leur pouvoir, leur influence et leur contrôle. Mais ça va plus loin, ce “recâblage affectif” donne une nouvelle importance à l’articulation et à l’engagement envers les valeurs de l’entreprise. La pandémie COVID-19 et les récents bouleversements sociaux mettent en évidence ce profond changement : diriger des collaborateurs avertis en matière de digital ET attachés à leur entreprise consiste tout autant à donner la priorité à l’efficacité des valeurs de l’entreprise qu’à la valeur de l’efficacité de l’entreprise. Les collaborateurs veulent que leurs valeurs soient explicitement reconnues par leur direction et alignées avec celle de leur entreprise. Et pas le contraire.
C’est ce que j’ai vécu récemment dans cette entreprise pétrolière dont la culture est orientée sur le long terme et la loyauté. C’est-à-dire que si vous y entrez après votre diplôme, vous pouvez très bien en ressortir pour prendre votre retraite après une carrière qui vous aura permis de changer de poste tous les 3 ou 4 ans. Maintenant arrive la digitalisation et la transformation digitale qui l’accompagne. Le management, ayant une ancienneté moyenne de 12 ans, doit recruter de développeurs et professionnels du marketing digital pour créer, animer et développer un site marchand pour les produits pétroliers du groupe, gérer les cartes de fidélité et proposer des promotions. Devinette : que va-t-il se passer si vous traitez ces personnes, la plupart jeunes, formées aux métiers du digital et plutôt intéressées par un challenge à relever et un nom mondialement connu à mettre dans leur portfolio que par un plan d’intéressements et une cantine bien équipée ?
Repenser le sens du travail et réinventer le rôle de l’entreprise. Oui, encore.
Les dirigeants ne doivent pas seulement se reconnecter au monde, VUCA ou pas, pour trouver une nouvelle façon de diriger mais se demander quel est le sens et l’objet du travail pour des personnes qui considèrent qu’une carrière est une playlist et qu’une entreprise doit être citoyenne. Ce qui amène de nombreuses questions : Quel est le sens du travail que nous proposons ? Quelle est notre raison d’être ? Comment savoir si nos valeurs sont en phase avec la société ?* Ces questions sont d’autant plus importantes que beaucoup de dirigeants qui sont aux manettes aujourd’hui – et qui ont 20 ans de carrière derrière eux – n’ont sans doute jamais pris le temps à refléter sur la place de l’émotion dans leur entreprise, l’urgence environnementale ou les valeurs de leur collaborateur. Là c’est facile, il suffit de nous écrire.
Des entreprises qui ne sont pas à la hauteur
Les données de l’étude de MIT SLoane prouvent ce que nous vivons régulièrement en intervention avec les CODIR français et européens : de nombreux collaborateurs considèrent que leurs organisations ne sont pas à la hauteur de ces questions liées aux valeurs. 72 % des 4 000 cadres et dirigeants interrogés ont déclaré qu’il était très important pour eux de travailler pour une organisation ayant un objectif auquel ils croient, mais seulement 49 % ont déclaré qu’ils croyaient en l’objectif de leur organisation. En plus, seulement 36% des répondants sont fortement d’accord pour dire qu’ils croient en la capacité de leur organisation à faire avancer son objectif. Ce “fossé des objectifs” suggère que les hauts dirigeants manquent de crédibilité lorsqu’il s’agit d’aligner leur organisation autour d’une vision commune. Ce manque de crédibilité met en péril la compétitivité à long terme de leur entreprise !
Il n’y a pas besoin de faire une étude sur des millions de personnes pour voir que les millennials mettent en pratique leurs propres valeurs et n’hésitent pas à formuler leurs attentes. Ces valeurs peuvent être liées à ce que nous appelons le “Web of life“. Jeu de mot avec “Way of life” évidemment. Le talent et les valeurs des collaborateurs doués pour le numérique semblent être étroitement liés. Ils cherchent la liberté du travail fondée sur la confiance, la transparence et la responsabilité. Ils attendent le développement continu de leurs expertises et le partage d’informations. Ces attentes et ces valeurs créent des défis culturels et opérationnels importants pour les managers opérationnels et les dirigeants. Si ces défis ne sont pas relevés de manière réfléchie et crédible, vos collaborateurs se rebelleront ou partiront. Et ne pensez pas qu’une crise économique les retiendra par peur de ne pas trouver un autre emploi.
Le loup de mer du management à distance est devenu réalité
Diriger une main-d’œuvre digitale est également de plus en plus difficile car les technologies ont accéléré l’effacement des frontières historiques entre le domicile et le travail, entre l’individu et l’institution, entre les actionnaires et les parties prenantes, dont les collaborateurs. La pandémie mondiale COVID-19 a bien sûr intensifié ce changement : en février 2020, combien de PDG prévoyaient de voir une grande partie de leur force de travail disparaitre du jour au lendemain ?
Le leadership à l’intérieur de ces frontières floues est encore compliqué par l’effondrement du contexte : la quasi-impossibilité, à l’ère des médias sociaux, de gérer intentionnellement et de manière crédible les différentes identités avec les collègues, la famille et les amis. Cet aplatissement des identités multiples a des implications perturbatrices pour les dirigeants d’entreprises transformées numériquement. Plus précisément, l’effondrement du contexte empêche les dirigeants de personnaliser de manière appropriée les messages pour les différentes parties prenantes clés. Les plates-formes numériques omniprésentes rendent les initiatives des dirigeants instantanément visibles et transparentes pour tous. Le désir d’un individu d’être vécu comme authentique devient plus difficile à satisfaire lorsque les plateformes numériques permettent à différents groupes de percevoir et de vivre le même message de différentes manières.
Alors, quelles valeurs les dirigeant.e.s devraient-ils.elles privilégier ? Quelles parties prenantes devraient voir leurs préoccupations prendre la première place ?
Lacunes et frontières floues
Les personnes interrogées dans le cadre de l’enquête s’accordent à dire que la réussite des managers dépend de la compétence numérique : 88 % déclarent qu’une masse critique de managers ayant des compétences numériques est importante pour la capacité de leur organisation à gagner à l’avenir. Ce consensus soutient de manière décisive que les organisations très performantes doivent aider leurs managers à diriger efficacement une main-d’œuvre avisée en matière numérique.
Compétences numérique et management
La compétence numérique, cependant, est à double tranchant :
- D’une part, le fait de diriger une équipe avisée sur le plan digitale incite les managers à améliorer leurs propres compétences techniques afin de mieux communiquer avec leur équipe et d’obtenir de meilleures performances.
- D’autre part, les collaborateurs eux-mêmes attendent de leurs managers qu’ils s’engagent explicitement dans les les valeurs qu’ils apportent au travail. Notamment l’équité et l’inclusion.
En d’autres termes, des transformations digitales plus équilibrées et durables exigent que les managers améliorent leurs propres performances dans ces deux dimensions : technicité et ouverture. Malheureusement, l’enquête montre que de nombreux collaborateurs ont l’impression que leurs managers ne parviennent pas à s’engager affectivement ni à développer les compétences nécessaires et ces lacunes sapent leur crédibilité.
Les lacunes digitales du leadership
Une des conclusions surprenantes est que les personnes interrogées ne perçoivent pas que leur organisation s’engage dans le développement professionnel des capacités numériques des managers et des dirigeants. C’est-à-dire que certes la formation a été assurée pour les collaborateurs qui en ont besoin aux quotidien, mais que les managers ne l’ont pas été – ce qui crée des problèmes de communication – et que les valeurs de l’entreprise n’ont pas évoluées pour s’y adapter. Cela va directement à l’encontre de la perception quasi unanime selon laquelle le savoir-faire digital est un facteur de réussite essentiel pour les dirigeants car eux-mêmes ne donnent pas la priorité à leur auto-amélioration digitale. Moins de la moitié des personnes interrogées (48 %) affirment que leur entreprise crée des équipes de projet délibérément diversifiées en termes de compétences numériques. Seulement un tiers pense que leur organisation surveille ou évalue activement si les managers améliorent leurs compétences numériques.
Le fossé numérique du leadership digital
Bien qu’il soit reconnu que les compétences digitales sont essentielles à la capacité d’une organisation à réussir, les répondants indiquent que leurs organisations ne favorisent pas activement le développement de ces compétences, en particulier chez les cadres.
Les travailleurs sont tout aussi sceptiques quant à l’engagement déclaré des dirigeants envers leur objectif. Seuls 25 % des personnes interrogées sont fortement d’accord pour dire que leur organisation est aussi motivée que leurs dirigeants le pensent. Il est certain que ces perceptions peu flatteuses du leadership peuvent être erronées ou injustes, mais elles existent de manière constante et persistante.
L’indice de maturité des objectifs
Les répondants ont été invités à indiquer dans quelle mesure ils sont d’accord avec chacune des affirmations suivantes :
- Il est très important pour moi de travailler dans une organisation qui a un objectif auquel je crois.
- Je crois en l’objectif de mon organisation.
- Je crois en la capacité de mon organisation à faire avancer son objectif.
- Mon organisation est aussi motivée par son objectif que ses dirigeants le croient.
Dans l’évaluation de l’affirmation “Les dirigeants de notre organisation ont l’état d’esprit nécessaire pour adopter les changements dont nous avons besoin pour prospérer dans l’économie numérique”, 93% du groupe de personnes à haut degré de maturité (fortement motivées par un but précis) sont d’accord ou tout à fait d’accord, contre 62% de l’échantillon global.
En ce qui concerne l’affirmation “Notre organisation est en train de constituer une solide réserve de talents parmi les dirigeants dont nous avons besoin pour prospérer dans l’économie numérique”, 74 % du groupe des personnes très âgées sont d’accord ou tout à fait d’accord, contre 41 % de l’échantillon global. Enfin, pour l’affirmation “Notre organisation surveille/évalue activement si les dirigeants améliorent leur savoir-faire numérique”, 57% du groupe des seniors sont d’accord ou tout à fait d’accord, contre 31% de l’échantillon global.
Les organisations qui n’ont pas à la fois un but précis et un engagement fort en faveur du développement digital risquent de décevoir et de mal équiper leurs dirigeants et leurs travailleurs. Les dirigeants peuvent être appelés à rendre compte des déséquilibres perçus dans leurs transformations numériques tant efficaces qu’affectives.
Le “Blurring” systématique lié
La frontière floue entre le domicile et le travail doit concerner le leadership digital
Ces écarts de leadership sont exacerbés par la dissolution des frontières entre le pro et le perso, le travail et la maison, les obligations individuelles et professionnelles, et entre les priorités des actionnaires et des parties prenantes. L’effondrement du contexte contribue sans relâche et sans remords à la dissolution de ces distinctions héritées du passé.
Un article publié en 2011 par Danah Boyd et Alice E. Marwick a mis en lumière l’effondrement de ce contexte bipolaire. Ils écrivaient alors que les médias sociaux “aplatissent plusieurs publics en un seul”. En résumé, vous n’êtes plus tantôt un professionnel avec une mission ou une personne avec des valeurs : vous êtes VOUS avec une mission et des valeurs. Ce qui signifie que vous n’avez plus plusieurs images mais une seule identité. Ce qui peut expliquer le retour sur scène du sujet de l’authenticité. Cette nouvelle réalité peut amener les dirigeants, qui se nourrissent souvent de liens personnels, à essayer d’utiliser les mêmes outils et techniques pour s’adresser à de vastes audiences en ligne et mener des conversations en face à face avec des individus.
Effondrement et monde d’avant
Cet effondrement – ou effacement – impose une ouverture et une accessibilité et une organisation du temps personnelle plus grande des dirigeants, managers et collaborateurs. Peut-être l’avez-vous remarqué si pour vous le travail à distance – même en partie – fait partie de votre nouveau normal : alors qu’auparavant on s’interdisait d’envoyer des mails ou messages le soir ou le week-end, les collaborateurs travaillant d’avantage à leur rythme (ou selon le rythme imposé par leur famille), il n’est plus rare de recevoir des messages soirs et week-end.
Sauf qu’il ne faut pas se tromper, il ne s’agit pas d’un retour en arrière et la fin de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle ! Il s’agit simplement de l’organisation du travail décidé par les collaborateurs. Un mail envoyé à minuit un samedi n’est plus attaché à une pression insidieuse de devoir répondre rapide. “Ce mail signifie désormais : je suis motivé / j’ai le temps de t’envoyer ce mail maintenant car cela ME convient. Maintenant, tu y réponds quand cela TE convient.”. En d’autres termes, l’effondrement du contexte oblige collaborateurs et managers à repenser leur façon de communiquer.
Rééquilibrage par le leadership digital
Les approches de leadership visant à rééquilibrer les personnes, les objectifs et la productivité sont transformées numériquement par l’effondrement du contexte. Je vois ici et là le néologisme anglophone de “Blurring” utilisé pour expliquer la fin des frontières fixes et régides, remplacées par des états dont le passge de l’un à l’autre est de plus ne plus flou. Je pense par exemple à certains télétravailleurs, en manque de place pour avoir un espace de travail séparé, qui doivent travailler sur la même table où la famille prend ses repas.
Les frontières entre la maison et le lieu de travail ont commencé à s’effriter bien avant la pandémie. Le travail à domicile était déjà devenu une condition non négociable pour les travailleurs de la connaissance et de certains talents numériques privilégiés comme les devs’. La pandémie COVID-19 a accéléré cette tendance et a effectivement fait disparaître les distinctions entre le travail et le domicile pour beaucoup de professionnels. Le bureau à domicile est devenu aussi connecté que le bureau grâce à Zoom et Slack. Selon l’enquête, seulement 36 % des professionnels interrogés disent établir une ligne dure entre le moment où ils travaillent et celui où ils ne travaillent pas.
Mais voilà, comme j’en parlais déjà ici et là, la plupart des entreprises n’ont pas encore abordé formellement cette érosion entre le personnel et le professionnel. Seuls 28 % des répondants conviennent que leur organisation dispose de politiques concernant le moment et la manière de communiquer en dehors des heures de travail traditionnelles. Un nombre encore plus faible (24 %) est d’accord pour dire que leur organisation respecte ces politiques si elles existent réellement.
Heureusement qu’en France le télétravail est d’avantage encadré qu’il ne peut l’être ailleurs car en l’absence de politiques officielles, le risque existe que non seulement le commandement et le contrôle n’ont pas disparu, mais qu’il devienne bien plus personnel qu’avant. Aucune surprise que pour les télétravailleurs, le management est maintenant principalement vécu via les domaines numériques. L’atteinte individuelle et collective des objectifs et l’affirmation des valeurs dépend de la façon dont l’authenticité, la transparence et l’accessibilité sont comprises d’un point de vue digital.
Leadership digital à distance
Et là vous avez remarqué que je parle de management à distance et pas de leadership à distance ! Comment pouvez-vous parler de leadership à distance quand la très grande majorité des managers ne parvient pas encore à manager à distance. Comment pouvez-vous leur demander leur parler de votre vision et des raisons pour lesquelles elle sera importante dans le monde quand déjà vous ne savez pas animer une réunion zoom ou suivre la performance de vos collaborateurs sans micromanager !.
Mais l’authenticité dans un environnement commercial en déclin est plus risquée et plus difficile qu’auparavant. Pour les dirigeants soucieux de faire preuve d’autorité pour faire perdurer le seul style de management qu’ils connaissant, faire preuve d’authenticité exige qu’ils fassent preuve de vulnérabilité. Et là, le bât blesse ! Avez-vous déjà suivi ou vu une formation dans laquelle on vous propose d’être vulnérable ?
C’est ce qu’il me semblait.
Comme le dit Hubert Joly, le PDG de Best Buy : “Pour réussir, les PDG étaient censés être des super-héros qui sauvent la situation en trouvant les réponses. Je crois maintenant que les super-héros ont leur place dans les films, pas dans les affaires et que les dirigeants doivent savoir se rendre vulnérables”.
Recommendations du Leadership digital
Les défis émotionnels de la transformation digitale représentent un danger clair et actuel pour la réussite des managers et dirigeants. Leur incapacité à reconnaître et traiter les préoccupations et les rivalités des acteurs du digital a des conséquences contre-productives.
Voici quelques recommandations offrent un cadre permettant aux dirigeants sérieux de revoir les fondamentaux affectifs qui produisent des résultats plus efficaces.
L’objectif du champion comme principe (ré)organisateur
Il ne suffit pas d’avoir une vision, une mission ou une raison-d’être convaincante. Les managers doivent paraître aussi engagés par l’objectif de l’entreprise que par la stratégie, l’agilité et l’orientation client. La clé est d’intégrer et d’activer de manière authentique la finalité dans le cadre de la transformation digitale de l’organisation. La finalité a donc une justification opérationnelle aussi bien qu’aspirationnelle qui invite à une nouvelle responsabilisation des managers.
Le fait de prendre la finalité au sérieux poussera les managers à :
Communiquer activement un objectif qui prouve ce que l’entreprise tente d’atteindre en termes de productivité et d’humanité.
Les dirigeants doivent articuler et susciter des récits axés sur les objectifs. Le Leadership digital est à ce prix. Je suis là dessus un militant de la raison d’être. Vous devez consacrer du temps pour réfléchir à ce que votre entreprise propose pour sa communauté, la planète et le long terme.
S’engager à distance pour une entreprise citoyenne est difficile. S’engager pour une entreprise dont la seule finalité est d’enrichir ses actionnaires est presque impossible.
C’est ce qui s’appelle depuis 2018 “la raison d’être” et qui a été depuis inscrite dans l’article 1835 du code civil. La raison d’être désigne une ambition d’intérêt général qu’entendent poursuivre les dirigeants.
Mesurer intentionnellement et systématiquement la poursuite d’un but.
Plutôt que de nommer un responsable de la poursuite de l’objectif, les entreprises devraient envisager d’adopter l’équivalent du “Net Promoter Score” utilisé en marketing. Pourquoi pas un “Net Purpose Score” qui permettrait d’évaluer l’engagement et orienter la conception de l’expérience client et collaborateur autour de l’objectif. Ces mesures – indicateurs clés de la finalité – devraient faire partie intégrante des plateformes et processus digitales qui créent de la valeur pour l’entreprise. Ils doivent faire partie des évaluations des performances individuelles et collectives.
Faites preuve de transparence quant aux compromis.
Quand la finalité prime-t-elle sur le profit ? Dans quelles circonstances, le cas échéant, le profit l’emporte-t-il sur l’objectif ? De même, lorsque les intérêts des parties prenantes sont inévitablement en conflit, l’intention stratégique fait-il pencher la balance du côté de la direction ? L’effondrement du contexte complique cette dynamique : Les parties prenantes rivales utiliseront certainement les médias numériques pour dénoncer les interprétations controversées des dirigeants concernant les décisions axées sur l’objectif. La visibilité donne aux parties prenantes une idée de la manière dont le leadership s’attend à ce que son positionnement sur l’objectif soit compris. Voir ci-dessous un résumé du contenu du Leadership digital.
Diriger par l’exemple, base de la transformation managériale
La transformation numérique exige un “leadership digital”. À une époque où la distinction entre le travail et la maison s’est estompée et où la communication par voie numérique a souvent remplacé les interactions informelles en personne, l’expérience des collaborateurs en matière de leadership a changé. Les dirigeants doivent être plus conscients d’eux-mêmes, réalisant leur fort impact sur la culture d’entreprise. D’ailleurs, les dirigeants interrogés pour cette enquête ont tous souligné que leurs actions sont plus éloquentes que leurs paroles. Les technologies digitales rendent par nature les dirigeants plus transparents, plus agiles et plus vulnérables. Utilisent-ils efficacement – et affectivement – les réseaux sociaux internes et externes pour mieux donner l’exemple ? C’est une autre question du Leadership digital.
Créez le flou intentionnellement
De Yammer à Facebook, de Notion à Slack, les managers, comme les dirigeants, ne peuvent pas échapper aux plateformes. Surtout que celles-ci qui permettent de créer et maintenir des liens à la fois dans leur vie professionnelle et dans leur vie personnelle. Mais l’effondrement du contexte augmente les chances que des tweets erronés de l’un ou l’autre domaine déclenchent des situations qui pourraient entraîner crises et démissions.
Les managers “pré-réseaux sociaux” et “pré-plateformes collaboratives” ont clairement établi des limites entre leur vie personnelle et professionnelle. Seulement, l’effondrement du contexte (Covid-19) rend cette distance difficile à maintenir. Les managers devraient plutôt réfléchir aux côtés qu’ils doivent partager : leur politique, leurs passions – et même leur famille. Ils doivent décider des limites personnelles et professionnelles qu’il convient de brouiller.
Avec les recruteurs (googlés par les candidats avant un entretien), les managers sont particulièrement vulnérables à l’effondrement du contexte. Une danse TikTok de mauvais goût ou un abonnement “louche” sur instagram (ce qui est arrivé récemment à un homme politique abonné à des comptes NSFW) peut avoir d’énormes répercussions sur le lieu de travail. Les organisations ont la possibilité de déclarer des principes pour régir les comportements en ligne mais où faut-il tracer les limites ? Par exemple, les collaborateurs et managers sont-ils responsables des postes des membres de leur famille ?
Mesurer l’efficacité de votre leadership
Les managers devraient être aussi concernés par la manière dont ils sont perçus en ligne par les employés comme ils le sont par la manière dont les clients et les consommateurs perçoivent l’offre de leur entreprise. Définir les KPI pour mener une transformation digitale efficace devient aussi important que de déterminer quels KPIs sont à l’origine d’une transformation efficace.
Les managers doivent réfléchir à la manière de relever le défi de l’alignement des mesures de leadership digital efficaces et affectives. Dans quelle mesure l’alignement autour d’un objectif permet-il d’améliorer le moral et l’engagement à distance ? Quelle est l’importance d’un moral élevé pour le “Net Promoter Score” et l’expérience client ? Dans quelle mesure les “Net Purpose Scores” et les mesures de l’expérience client permettent-ils de prévoir la valeur de la vie du client ? Quelle est la corrélation entre l’augmentation de cette valeur et l’augmentation de la valeur pour les actionnaires ? Il ne doit pas s’agir de questions rhétoriques, mais plutôt d’hypothèses vérifiables sur la création de valeur future.
Analyser les réseaux de direction pour améliorer la culture
Les réseaux de leadership révèlent les liens humains où réside véritablement le pouvoir. Ils peuvent perpétuer des schémas qui ont historiquement exclu tous les individus, sauf quelques privilégiés, des positions d’influence. Les réseaux humains et les cultures organisationnelles s’influencent et se façonnent mutuellement. Les dirigeants doivent accepter, embrasser et mesurer explicitement cette réalité.
Les dirigeants peuvent utiliser leurs relations avec les autres pour mieux diriger la culture, et ils peuvent mieux diriger la culture pour étendre leurs propres réseaux (et ceux des autres). Les managers doivent voir les relations entre les personnes qu’ils dirigent, en analysant la fréquence, la diversité et la densité de leurs relations. Grâce à l’analyse des réseaux, les managers peuvent quantifier la manière dont leur leadership est vécu, tant sur le plan affectif qu’efficace.
Il est impossible d’échapper aux conséquences involontaires des limites floues et des attentes croissantes concernant l’engagement, l’objectif et le sens des parties prenantes. Les managers et les dirigeants doivent carrément décider quel genre de leader ils veulent être dans le cadre du leadership digital. Ils ne peuvent pas être distants ou se séparer des transformations numériques qu’ils supervisent. La façon dont ils dirigent numériquement par l’exemple déterminera leur crédibilité, leur authenticité et l’influence qu’ils exerceront avec leur talent. Le mentorat mutuel déterminera leur capacité à se développer à la fois comme leaders et comme innovateurs.
Résultat : les managers doivent repenser le management sous l’angle digital pour ne pas se retrouver en décalage avec leurs équipes et prendre un moment pour repenser leurs valeurs qui se sont transformées durant le la pandémie.