Une plainte récurrente à propos des millennials est leur calendrier irréaliste de promotion. Ce que certains appellent “l’impatience des zoomers”. Cliché ou non, il arrive que certain.e.s attendent une augmentation de salaire après quelques mois et parfois une promotion tout aussi rapidement. Ayant grandi à une époque rapide et ayant atteint leur majorité dans une culture de la demande, ces millennials (milleniaux ?) ont peu de patience pour la stagnation, même imaginaire, concernant leur carrière. Mais, sont ils les seuls ?
Selon Statista, il y a 13 millions de millennials en France, et selon Cornerjob, 51% d’entre eux sont prêt à changer d’emploi dans l’année. Notez le “prêt à” à la place de “vont”. En plus, selon Visier Insight 30% des millennials démissionnent alors que les plus âgés sont 9% à le faire. On parle d’ailleurs parfois de “Job Hopping” pour les plus extrêmes comme ces saisonniers qui changent d’emploi tous les 6 mois. Ce néologisme anglais illustrant un faible sentiment de loyauté envers un employeur en prenant l’image de la sauterelle sautant de brin d’herbe en brin d’herbe ou concernant nos salariés, d’opportunité en opportunité dans une recherche de liberté sans fin. Ce sont les zappeurs d’aujourd’hui si vous voulez.
Comme les cycles de travail continuent de s’accélérer et que les délais des projets se raccourcissent, il est évident que les salariés les plus jeunes travaillant dans des secteurs en croissance, qu’ils soient parents ou non, vont changer de poste ou partir plus fréquemment que les générations précédentes. Oui, même encore plus que les vieux trentenaires de la génération Y. Les dirigeants doivent rapidement se familiariser avec les évolutions des attentes des milléniaux en matière d’avancement professionnel et s’équiper de quelques stratégies simples pour satisfaire leur désir de progression de carrière et mettre fin au “zapping permanent”. En tout cas, tel qu’il peut être perçu par une frange de managers plus expérimentés qui ne voient pas l’intérêt de changer d’emploi selon l’adage “On sait ce qu’on perd, on ne sait pas ce qu’on gagne”.
Pour satisfaire l’attente (ou le besoin ?) de changement, envisagez d’utiliser une combinaison des approches suivante pour réduire l’impatience des zoomers si vous vivez cette situation.
Commencez par les basiques
Oui, il est encore nécessaire de le rappeler, car certains dirigeants ne l’ont pas encore compris : proposez un salaire aligné avec le taux d’inflation actuel ! Et pour cela, ne regardez pas ce que fait uniquement vos concurrents ! Par exemple, si vous êtes dans le retail, ne regardez pas les salaires de la vente mais de la restauration !
Ensuite, au-delà du salaire, les collaborateurs sont souvent à la recherche d’autres avantages lorsqu’ils étudient une offre d’emploi. Et ces avantages peuvent être extrêmement terre-à-terre : meilleure mutuelle, jours de congés, primes, titres-restaurants, accès à des salles de sport, prime de déplacement. Nous sommes loin des proposition de valeur de la marque employeur de certains. Les avantages aussi basiques soient-ils peuvent faire peser la balance en votre faveur. Pas forcément pour l’avantage en lui-même, mais pour le message que vous donnez à vos candidats : vous êtes importants pour nous et, nous souhaitons vous le montrer.
Certains DRH promettent également un développement de carrière précis et surtout rythmé qui encourage les collaborateurs à rester engagés sur du moyen terme. Genre 6 mois. Oui, le moyen terme est 6 mois.
Bien qu’ils aient la bougeotte, les millennials ne veulent pas changer de boîte par défaut ! Ils veulent trouver de nouveaux projets, du changement et du challenge. Pour combler ces attentes, donnez-leur l’opportunité de développer leurs propres projets au sein de l’entreprise, la possibilité d’être créatif, responsables et de prendre du temps pour développer leurs idées. Même si parfois vous devez les aider à revenir sur terre, et leur rappeler qu’ils ont un job. Si vous êtes manager, vous devez aussi les aider à ne pas se décourager au premier obstacle organisationnel. L’intrapreneuriat est souvent un bon moyen de renforcer l’engagement dans l’entreprise mais pour cela, n’oubliez pas votre role “d’enabler“.
Prenez soin à l’ambiance et à la relation, pas à l’impatience des zoomers
Au second plan, une fois l’argent et les avantages mis sur la table, il vous reste tout à faire. L’atmosphère de travail est tout aussi importante que le contenu de l’emploi et les missions à remplir. En misant sur l’environnement et l’ambiance de travail, une culture solide et claire et une vraie philosophie de recherche du bien-être au travail. Vous pouvez ainsi orienter l’engagement à la hausse. Vous pouvez aussi réduire la durée pendant laquelle un salarié ne travaille plus pour vous après sa démission 🙂 Parfois, le choc de découvrir que cela a été une erreur d’avoir démissionné et peut, parfois, faire revenir ces démissionnaires. On appelle ça le “bridging” (créer une relation avec un collaborateur en gardant l’option de leur retour) et ce type de salarié un “salarié boomerang”. Ils seraient entre 7 et 15 % en France.
Ce qui prouve que votre culture d’entreprise, et la qualité de vie au travail que vous proposez sont des avantages concurrentiels (extrêmement) durables.
Autre chose, chez Glukoze, vous avez compris que nous sommes anti-clichés du type “les jeunes sont ….”, mais n’empêche, parfois, certains clichés s’avèrent malheureusement vrais. Parfois, pour certains millénials, il est plus simple de démissionner et de chercher un autre emploi que de résoudre un problème relationnel qui demande une confrontation. Ils préféreront se murer dans le silence et réactiver leur compte LinkedIn plutôt que de faire face à un malaise. Si vous êtes manager, “read the room” comme disent les Anglais, et ne laissez jamais un malaise s’installer. Confronter le directement ! Vous êtes manager bon sang.
Arrêtez de motiver ! Engagez plutôt !
Les milléniaux sont habitués aux motivations externes qu’ils peuvent percevoir comme de la manipulation. L’efficacité des avantages, trophées et “leviers de motivation” qui ont été utilisés pour motiver des cohortes de salariés s’essoufflent. Grâce, ou à cause plutôt, des bouquins de management qui vous invitent à utiliser des méthodes de motivation ou des outils d’incitation, comme le dresseur utilise le fouet ou un morceau de sucre. Les collaborateurs voient maintenant arriver leur manager à des kilomètres quand celui-ci cherche à “Motiver”.
En plus, ils ont bien compris que les outils du manager pour motiver consistaient à aider le manager à leur faire atteindre la performance requise. Pas à écouter leurs inquiétudes face à l’avenir ou leur doute face à l’incertitude. Ou vice-versa. La motivation est devenue une méthode de management qui tient plus de la manipulation que de la recherche d’engagement réciproque ! Si vous voulez renforcer la détermination et l’engagement de vos collaborateurs milléniaux, ou pas, commencez par arrêter de chercher à “motiver” et encore mois avec des méthodes d’un autre âge !
Pensez engagement réciproque !
Il vous incombe de définir une vision convaincante et d’aider vos collaborateurs* à découvrir leur vision personnelle et à la réaliser tout en vous assurant qu’elle soit alignée avec les objectifs et la raison d’être de votre entreprise. Si ce n’est pas le cas, désolé, mais là, vous leur rendrez service en les aidant à trouver un autre emploi. Par contre, les milléniaux qui parviennent à clarifier rapidement leur vision et leurs objectifs de progression de carrière seront en mesure d’ajuster leurs attentes et seront mieux équipés pour explorer les possibilités offertes par votre entreprise pour acquérir plus d’expérience et réaliser leur ambition.
*Et là, pour le coup, je ne vous parle plus de manager des millénials, mais de manager en 2023 !
Engagez-vous dans l’accompagnement
J’ai bien écrit accompagnement et pas coaching. Le manager coach n’existe pas ou s’il existe, il n’a plus sa place dans l’entreprise. Je m’explique : selon moi, management et coaching son antinomique ! Le manager est là pour placer la performance de l’entreprise au centre de la préoccupation de son collaborateur. Le coaching consiste à aider le collaborateur à se réaliser et à s’épanouir, quelles que soient la carrière et l’entreprise.
Maintenant que vous travaillez avec des gens qui veulent travailler AVEC vous et pas POUR vous, l’accompagnement managérial est le style de leadership qui résonne le plus avec ceux qui ont souvent été élevés dans des activités organisées où ils étaient constamment entourés. Ils considèrent l’accompagnement comme leur voie vers la grandeur. En résumé, rien de nouveau : les meilleurs leaders forment, guident et progressent tout en s’intéressant de près à ceux qu’ils encadrent.
Un accompagnement efficace établit la confiance, incite à la loyauté réciproque (le manager d’abord) et aide les millénaires à prendre de la valeur et de l’expérience plus rapidement. Il permet à un leader de réfléchir aux progrès et à l’impact d’un millénial au sein de l’organisation et de recommander les bonnes opportunités où il pourrait poursuivre sa croissance et son développement. Il permet aussi aux dirigeants d’anticiper les difficultés, la frustration, l’ennui ou le sous-emploi d’un millénaire avant qu’il ne décide de quitter l’entreprise. Les dirigeants doivent insister sur le fait qu’il n’existe pas de solution miracle pour la satisfaction au travail. C’est un processus lent, inconfortable et compliqué pour lequel il n’y a pas de raccourcis. Demandez à la génération X !
Faites le lien avec la contribution
Les parents ont encouragé les milléniaux à avoir leur mot à dire dès leur plus jeune âge. L’accès à l’internet leur a également donné une plateforme pour contribuer et s’exprimer. Ils portent désormais ce désir de contribution sur le lieu de travail. Les dirigeants qui créent des opportunités de contribution et de cocréation pour les milléniaux seront récompensés par la fidélité et la longévité de ces derniers.
Trop souvent, les organisations sous-estiment la capacité et le désir des milléniaux de contribuer. Cette sous-estimation mène au ressentiment et le sous-emploi mène à l’impatience. Créez des environnements qui encouragent et des canaux qui permettent la contribution. Vos salariés ne sont pas des passagers ! Ils tiennent tous le volant et veulent être impliqués et écoutés concernant la route à suivre.
Motivez par le mouvement pour réduire l’impatience des zoomers
Pour satisfaire le désir des collaborateurs d’acquérir des compétences transférables, faites-les bouger dans l’entreprise. Et pas forcément vers plus de responsabilité, et pas forcément de manière continue. Les milléniaux ne considèrent pas les parcours professionnels comme linéaires ou comme une échelle dont il faut grimper chaque barreau vers le haut. Pour eux les parcours sont multidimensionnels, et s’adapte au mur de leur vie comme un mur d’escalade. Ils pourraient être intéressés par un déplacement vers la gauche, puis vers le bas, avant de remonter ou de partir pour étudier, chercher du sens ou faire un tour du monde.
Soyez transparents et proactifs dans votre communication sur les opportunités disponibles au sein de l’organisation. Les événements de réseautage ou sociaux, les stages d’observation et les répertoires d’emplois en ligne sont de bons exemples de moyens d’aider les milléniaux à explorer les possibilités d’évolution dans l’entreprise.
De plus en plus d’initiative voient le jour qui vont dan ce sens, le prêt de compétence d’une entreprise à une autre ou les célèbres vie ma vie à la mode actuellement. Si un salarié remarque qu’une autre entreprise travaille sur un projet qui l’intéresse, il peut demander à travailler sur ce projet de façon temporaire. C’est une approche non traditionnelle pour une génération qui aborde la carrière et l’apprentissage de manière non traditionnelle.
Préparez-vous au départ
C’est Chantal Notarianni, lorsqu’elle était au recrutement d’Orange Distribution qui m’avait dit qu’en entretien de recrutement elle demandait aux candidats “Si vous petes recruté. Qu’est ce que vous souhaitez faire après votre emploi chez Orange ?” Cette prise de conscience ne peut être que salutaire, car il faut désormais avoir conscience en recrutement que la carrière de votre candidat dans votre entreprise a de très fortes chances d’être temporaire. Et si vous avez 20 ans de maison dans votre entreprise, vous êtes l’atypique, pas le collaborateur qui démissionnera dans 2 ans.
Pour suivre cette idée de compte à rebours qui démarre dès le recrutement d’un collaborateur, offrez la formation, l’encadrement et le mentorat nécessaires pour que les milléniaux (et les autres !) puissent se perfectionner avant de songer à quitter leur poste actuel ou votre boite. Pourquoi s’assurer du développement des compétences de quelqu’un en ayant en tête que cette personne partira ? Parce que l’alternative qui consiste à ne pas faire évoluer quelqu’un et à le voir rester et ne pas être performant est bien pire. Mais surtout, maintenant que nous sommes “post-marque employeur”, seuls les actions restent, pas les promesses marketing.
Vous devez garder une mentalité de débutant – aborder le travail ou une tâche pour la première fois ou d’un point de vue nouveau – est la clé d’un apprentissage plus rapide, de meilleures performances et de la persévérance en cas d’échec. Les milléniaux qui partent peuvent laisser la place à de nouveaux “bleus” prêts à être plus performants, et peuvent apporter une mentalité de bleus à leur nouveau rôle ou à leur nouvelle entreprise, ce qui leur permettra de progresser eux-mêmes ou de faire progresser l’organisation.
Si les milléniaux quittent votre entreprise, ils risquent de ne pas savoir à quel point ils ont eu de la chance de travailler pour vous**, car ils n’ont rien à quoi comparer à ce stade précoce de leur carrière. S’ils font l’expérience du manque de développement dans une autre organisation, ils reviendront vers votre entreprise. Ils deviendront les meilleurs ambassadeurs de votre entreprise. Tirez-en partie à bon escient.
** hein ?