Les premiers signes d’intextoxication s’installent souvent sans crier gare. Tout commence innocemment : on répond à un message rapidement, on soigne sa syntaxe, on corrige ses fautes de frappe. Puis, sans vraiment s’en rendre compte, on relâche son attention. Les mots se raccourcissent, le correcteur automatique fait loi, et les expressions les plus banales se transforment en une soupe de consonnes et de chiffres. Les “c’est” deviennent “C”, les “eu” se muent en “E”, et les “un” se réduisent à “1”. C’est à ce moment que l’on s’engage sur le sentier glissant de l’intextoxication, un phénomène qui touche aujourd’hui près de 75 % des possesseurs de smartphone de plus de 14 ans, selon une étude imaginaire mais plausible.

intextoxication en 5 phases
Alors, à quelle phase d’intextoxication êtes-vous ? Voici quelques repères clairs, classés par niveau d’infection textuelle.
Phase 0 :
Vous apercevez un étrange symbole, une petite enveloppe clignotante, sur l’écran de votre téléphone. Vous n’avez aucune idée de ce que cela signifie. Vous faites partie des 3 % d’individus qui pensent encore que leur téléphone est juste “en panne”. Dans cette phase, on estime que vous envoyez moins de 5 SMS par semaine. Votre innocence est intacte.
Phase 1 :
Vous avez découvert que l’on peut entamer, poursuivre et même conclure une conversation uniquement par SMS, évitant ainsi l’inconfort d’une confrontation visuelle et auditive. Environ 20 % des utilisateurs passent par là. Ici, vous réglez vos différends avec un proche, une connaissance ou un collègue via quelques messages bien choisis. Vous êtes passé à 10-15 SMS/jour. Rien d’alarmant, mais le virus s’installe. Vous réalisez quec’est aussi le moyen le plus simple pour régler ses comptes avec quelqu’un sans passer par la confrontation en face à face.
Phase 2 :
Le forfait SMS illimité entre en scène. Vous textez pour tout : demander le pain (à vous-même, histoire de ne pas oublier), échanger des mots doux, voire épicés, avec votre partenaire, et parfois pour raconter votre soirée à un ami. Vous approchez des 50 SMS/jour. Le défi ? Ne pas vous tromper de destinataire quand vous écrivez un message délicat, surtout après une soirée arrosée. À ce stade, 30 % des “text-addicts” sont déjà plongés dans le redoutable “texto de trop” : celui envoyé à 2h du matin, dont le contenu, confus et mal orthographié, évoque une proposition impossible à assumer au réveil. Cette erreur de jugement mène souvent à des discussions stériles et, dans 70 % des cas, ruine vos chances de réponse claire ou favorable.
Phase 3 (approfondissement) :
Vous dépassez le stade du message contextuel. Vous communiquez essentiellement par SMS, même lorsque votre interlocuteur est à deux mètres de vous. Vous souhaitez demander un service à votre voisin de bureau ? Un SMS. Informer un membre de votre famille de votre retard au dîner ? Un SMS. À ce niveau, vous envoyez entre 80 et 100 SMS/jour. Les mots ne sont plus des mots, mais des suites de lettres et de chiffres. Le besoin de correction a disparu : votre cerveau traduit instantanément “T v1 dner ?” en “Tu viens dîner ?” sans sourciller. Près de 15 % des utilisateurs de smartphone atteignent cette phase.
Phase 4 (le point de non-retour) :
L’écrit compressé devient votre langage principal. Les messages professionnels, normalement rédigés avec soin, se transforment en une série d’abréviations dignes d’une conversation sur un forum des années 2000. Le style SMS envahit même vos emails. Vous êtes incapable d’écrire un texte de plus de 100 caractères sans glisser un “C” pour “c’est” ou un “1” pour “un”. Vos proches, collègues et supérieurs hiérarchiques ont du mal à vous suivre, et la clarté de votre communication chute de 50 %. On estime qu’environ 5 % des utilisateurs hyperconnectés parviennent à cette phase. Vous tournez à plus de 150 SMS/jour. La frontière entre langage écrit et langage parlé s’efface. Vous devenez incompréhensible pour les non-initiés et envoyez des SMS en conduisant. Ce qui n’est pas vraiment une bonne idée, voir franchement pas une bonne idée du tout du tout..
Phase 5 (l’abîme) :
Ici, c’est le stade ultime, un point que moins de 1 % des utilisateurs atteignent. Vous communiquez par codes, signes et emojis. Les phrases complètes ont disparu, vous parlez en onomatopées et en images. Les correcteurs orthographiques abandonnent la partie. Votre entourage vous demande des traductions, et vous perdez patience. Vous vivez littéralement dans votre téléphone, ne sachant plus comment tenir une conversation verbale sans chercher votre clavier tactile. À ce niveau, le concept même de “fautes” n’a plus de sens. La langue française n’est plus un outil, mais un puzzle dont les pièces se mélangent sans cohérence.
Alors, à quelle phase d’intextoxication êtes-vous ?
Si vous vous reconnaissez dans l’une ou l’autre de ces phases, rassurez-vous, vous n’êtes pas seul. Le phénomène d’intextoxication s’étend à grande vitesse. On dénombre désormais des milliers de cas, et le nombre total de SMS envoyés quotidiennement dans le monde dépasse les 23 milliards. Si vous souhaitez vous en sortir, vous pouvez tenter une cure : laisser votre téléphone de côté, reprendre des conversations en face à face, et surtout réapprendre que “C’est” s’écrit avec des lettres, et que “un” ne se résume pas à “1”. Bien entendu, c’est plus facile à dire qu’à faire, surtout quand vous recevez encore ce SMS mystérieux en clignotant, auquel vous n’avez pas répondu… et qui vous appelle irrésistiblement.
L’intextoxication peut aussi entrainer de la Déconcertion.