Chacun constate que le participatif et le collaboratif font désormais partie du paysage quotidien de l’entreprise 2.0. Et bien en hiver… les endives aussi.
Une démarche collaborative de conversation entre une marque et ses consommateurs a conduit au “co-design” d’une gamme d’endives. En entreprise, les démarches collaboratives doivent embrasser une vocation bien différente au risque de renforcer le désengagement des collaborateurs (justement), notamment des plus “Y” d’entre eux… Ce qui marche pour vendre des endives, ne marche pas quand il s’agit de concilier participation, collaboration efficace et de renforcer l’engagement durable des collaborateurs !

Une marque vient de co designer ses futures gammes d’endives avec des consommateurs pour “réussir à rendre accessible au plus grand nombre les meilleurs fruits et légumes”. Site dédié, questionnaire à grande échelle, appel à idées, création d’un comité de consommateurs de la marque (1500 candidats) … 40 000 questionnaires remplis : un succès. Les consommateurs sont écoutés, ils peuvent désormais choisir entre 2 gammes d’endives et chacun pourra acheter la salade qu’il a co-conçue !

En entreprise, les approches collaboratives favorisent aussi la conversation, l’écoute, la co-création de solutions. Mais quand le sujet proposé à la réflexion porte sur l’adaptation interne aux changements, la recette ne marche plus ! Il faut dire que ré-organisation, recherche d’efficacité ou d’économies, système de management, … concernent les salariés de manière plus impliquante que le choix d’une nouvelle gamme d’endives. Si cette dernière ne me plait pas, je peux m’en passer, alors qu’a priori je devrais “subir” les décisions auxquelles j’ai contribué. Et ce, quel que soit mon avis, puisque la décision ne m’appartient pas. A l’extrême, la participation est même utilisée contre les contributeurs : “vous avez donné votre avis, donc vous ne pouvez plus contester nos décisions”.

L’écueil du collaboratif en entreprise est clair : un intranet, des forums, des enquêtes, des sondages, un réseau social… et le tour est joué ! Les salariés s’expriment et les dirigeants / managers décident. Point. La technologie permettrait l’avènement d’une sorte de e-gouvernance participative, à la légitimité majoritaire validée par sondage, une “démocratie participative d’entreprise”. Cette illusion ne peut qu’amplifier la désillusion et le désengagement à court terme ! Le collaboratif est au coeur de la décision en entreprise. Or la décision est à la fois processus et résultat. Dans le cadre de changements, il n’y a pas que le résultat qui compte. C’est même ce qui compte le moins pour les collaborateurs. Ou plutôt, tout se passe comme si les décisions perdaient leur valeur aux yeux des salariés lorsque le mode de décision est trop opaque.

La méconnaissance des critères de décision et du processus de prise de décision (au sens de résultat) concrétisent la perte de sens si souvent observée et ses dégats collatéraux : désengagements individuels, affaiblissement du collectif et à l’arrivée…baisse des résultats !

L’efficacité et la pérennité de la collaboration en entreprise reposent sur 3 facteurs clés :

  • La certitude d’un gain immatériel ou pas (la reconnaissance reste un moteur inépuisable). La relation managériale incarne alors les gains relationnels, opérationnels et donne sens à l’engagement des collaborateurs.
  • Un processus et des critères de décision explicites dès le lancement d’une démarche (en matière d’endive, quel consommateur connaît les critères qui ont conduit la marque d’endive à retenir tel packaging, tel calibre plutôt que tel autre ?). Le partage de cette information rend le collectif plus soudé, plus puissant, plus cohérent. La démarche collaborative en devient plus mobilisante.
  • Un partage des arbitrages autour des solutions. Des dirigeants ont le droit de décider “ce qu’ils veulent” ou de ne pas se sentir lié par les résultats d’une démarche collaborative, encore faut-il que cela soit clairement formulé.

Souhaitons que les dirigeants, DRH et managers intéressés par les voies de progrès et d’efficacité du collaboratif résistent à l’attaque des endives participatives !